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chap. 4e.
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PRIX ET EFFETS COMPARÉS DES DIVERS ENGRAIS.

M. Chaptal la préparation suivante : on fait une première couche de plâtras, de gravois ou de débris de démolition ; on la recouvre de fumier de litière de mouton ou de cheval ; on en compose une 3e de balayures des cours, des chemins, des granges, de marne maigre, sèche et calcaire, de matières fécales, de débris de foin et de paille, et on la recouvre du même fumier que la 1re. La fermentation s’établit d’abord dans les couches de fumier dont le jus se mêle bientôt avec les autres substances : quand on reconnaît que la décomposition est suffisamment avancée, on démonte le tas, on mêle les couches et on les transporte dans les champs. — Pour les sols légers, poreux et calcaires, le compost doit être composé de substances argileuses, telles que les glaises à demi cuites et broyées, les marnes grasses, de matières compactes, de fumiers froids, de limon des mares et des étangs, et la fermentation doit être poussée jusqu’à ce que la masse forme une pâte liante et glutineuse.

On a récemment annoncé pouvoir préparer un excellent engrais en 21 heures, en établissant un lit, épais d’un pied, d’herbes parasites vertes, sur lequel on étendra une couche mince de chaux vive pulvérisée ; l’on continuera de superposer alternativement ces différentes couches : il est essentiel d’empêcher l’inflammation spontanée qui pourrait résulter de réchauffement de la masse, en la recouvrant de terre et de gazons.

Le procédé suivant de préparation et de conservation des engrais, a été indiqué d’après la méthode de M. Da-Olmi[1]. On construit, dans l’endroit le plus convenable et à proximité de la ferme, une citerne formant un carré assez spacieux pour contenir les quantités de fumier qu’on veut conserver. Sur l’une des faces on ménage un abord facile et une ouverture suffisante pour laisser passer une charrette ; on tient habituellement cette ouverture fermée au moyen d’une écluse ou porte en bois. Dans le voisinage de la citerne, on construit un puits profond de 8 pieds et large de 3 ; c’est dans ce puits qu’on prépare une lessive d’engrais, en jetant dans ce réservoir rempli d’eau, de la chaux éteinte à l’air, des cendres neuves, et ayant soin d’agiter chaque jour ce mélange avec une perche. Dès que le liquide est assez chargé des principes salins, ce que l’on connaît à sa couleur d’un blanc de lait grisâtre, et à la diminution de sa fluidité, on porte le fumier dans la citerne, on en fait un amas de l’épaisseur de 5 à 6 pieds, qu’on arrose sur toute la surface, à l’aide d’un arrosoir ordinaire, avec le liquide puisé dans le réservoir ; cela fait, on recouvre le tout avec une couche de terre assez épaisse. Les amas successifs de fumier qu’on ajoutera, seront placés, assaisonnés et couverts de terre de la même manière jusqu’au dernier, sur lequel on mettra la terre la plus compacte qu’on pourra trouver, en lui donnant une épaisseur de 5 à 6 pouces au moins. Quand on tirera le fumier de la citerne, on mettra des planches sur la charge de chaque charrette, afin d’empêcher, autant que possible, l’évaporation des principes gazeux ; et arrivé au champ, le laboureur l’enfouira sans délai. C. B. de M.

Joncs employés comme engrais. — Les joncs que l’on récolte dans les marais du département du Gard sont considérés à la fois comme une importante production agricole et un des principaux agens de la fertilisation des terres de cette localité. En effet, lorsque la saison est favorable, la coupe d’un hectare de joncs suffit à la fumure de trois hectares de vignes ; aussi le dessèchement de ces marais, long-temps réclamé avec de vives et publiques instances, et même commencé, est-il maintenant abandonné. Ce qui contribue le plus au développement de ces joncs est, sans contredit, l’immersion des marais par les eaux du Rhône. Sans cette addition d’eau douce, l’excès de sel arrêterait la végétation ; les joncs acquerraient seulement quelques pouces de hauteur, tandis qu’ils s’élèvent de 6 à 8 pieds lorsqu’ils ont été baignés.

On coupe les joncs dans le mois de juillet, et on les met en bottes ; achetés dans cet état, ils sont transportés et étendus sur la terre ; quelquefois on les fait préalablement tremper dans l’eau douce. Les pieds de vigne, espacés de 5 pieds 3 po. entre eux, permettent l’accès des hommes chargés d’une aussi volumineuse fumure.

Cet engrais agit utilement, surtout en s’opposant à la dessiccation des terres et fournissant même peu-à-peu son humidité au sol, ce qui fait comprendre l’avantage de son immersion préalable dans l’eau ; plusieurs agronomes ont donc blâmé à tort cette pratique. C’est encore ainsi que, dans les terrains sableux, et surtout pour la culture des racines tuberculeuses ou abondantes en sucs, les pommes-de-terre, les betteraves, j’ai obtenu des produits considérables par l’addition de marcs de pommes-de-terre, n’agissant presque qu’en raison de leur forme spongieuse, et retenant fortement l’humidité. M. de Rainneville est parvenu même à quadrupler une récolte de pommes-de-terre en enterrant un engrais vert semé à dessein entre les lignes. D’ailleurs, les joncs trépignes par les hommes et les moutons, après les récoltes, se rompent et se désagrègent de plus en plus, et fournissent par leur décomposition un léger engrais.

La fumure au moyen des joncs est très-dispendieuse, surtout en raison des frais de transport et de main-d’œuvre pour être répandue ; elle revient, suivant les distances, de 200 et 400 fr. l’arpent de 30 ares, qui contient 1200 souches, ce qui porterait à plus de 600 ou de 1200 fr. la fumure d’un hectare.

Section iv. — Prix et effets comparés des divers engrais.

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§ ier. — Fixation du prix de revient des divers engrais.

Etablir une comparaison rigoureusement exacte entre les divers engrais, sous les rap-

  1. Journal des propriétaires ruraux du midi de la France.