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chap. 4.
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DES DIFFÉRENS ENGRAIS.

couverte de jeunes plantes vertes, est défendue d’une dessiccation accidentelle ; et, d’ailleurs, les plantes elles-mêmes acquièrent rapidement ainsi la force nécessaire pour résister à diverses influences, et pour puiser dans l’atmosphère et le sol leur alimentation ultérieure.

Le deuxième mode pour répandre l’engrais flamand consiste à le prendre dans la citerne sans l’étendre d’eau, puis à le porter dans des tonneaux (fig. 58), et à le verser dans des baquets. On peut encore employer à cet usage la petite charrette (fig. 59), en usage dans l’Allemagne. — Comme cet engrais est alors trop actif ou trop rapidement altérable pour être mis en contact avec les plantes ou leurs racines, on en dépose, sans toucher les tiges, une cuillerée au pied de chaque touffe, ou encore on le fait couler dans les sillons entre les rangées de plantes alignées.

L’arrosage, soit avec des urines ou eaux surnageant les vidanges, soit avec les matières pâteuses mélangées avec ces liquides, soit enfin en ajoutant encore des tourteaux (marcs de graines oléagineuses) divisés, exige les précautions suivantes :

Si l’on répand ces engrais sur la terre déjà labourée et hersée avant la semence, on doit choisir un temps humide ou légèrement pluvieux, et herser avant l’ensemencement, afin de mélanger l’engrais avec le plus de terre possible, et éviter son contact immédiat avec les graines.

Dans le même but, lorsque l’on veut arroser après avoir hersé et répandu la semence, il faut encore préalablement recouvrir la graine et entasser légèrement, à deux reprises, la terre au rouleau : le plus grand nombre des graines sont ainsi défendues, par une couche de terre comprimée, du contact de l’engrais trop actif qui ferait périr les radicules et les plumules, ou même empêcherait la germination.

Pour les plants espacés, on isole encore l’engrais flamand des tiges, feuilles et racines, en versant celui-ci dans des trous de plantoirs pratiqués entre les pieds de colza, œillettes, tabacs, et sur la même ligne. Cette méthode permet de herser ou biner entre les rangées sans déranger la fumure ; on choisit, d’ailleurs, les soirées et les temps humides, afin d’éviter que la décomposition trop rapide par la chaleur du jour, ne brûle les feuilles.

Aux environs de Lille, 1 tonneau d’engrais flamand coûte environ 30 c. d’achat, plus 30 c. de transport et 60 c. d’emploi ; il contient 125 kil. de matière et couvre (répandu à l’écope ou au tonneau d’arrosement) un cercle de 7 mètres de rayon. Une cave ordinaire de ce pays coûte à emplir 154 fr. et contient 32 mètres cubes ou 256 tonneaux.

Lorsque l’engrais flamand vient d’être répandu à l’aide de l’un des moyens précédens, une forte odeur putride s’en exhale aux alentours. Ce phénomène indique un dégagement rapide, hors de proportion avec la faculté d’absorption des plantes ; il donne lieu à un goût désagréable dans les produits comestibles de la culture, et nuit quelquefois momentanément au développement de la végétation.

En Suisse, on prépare avec beaucoup de soin un engrais liquide connu sous le nom de lizier. Voici la description relative à cet engrais, donnée par M.  De Candolle, dans sa notice sur les engrais en usage dans ce pays : on établit dans les écuries, derrière la place occupée par les bestiaux, une rigole profonde qui reçoit leurs urines ; on y mélange leurs excrémens, et cette rigole peut aussi recevoir l’eau d’un réservoir ; plusieurs fois par jour, après avoir opéré ce mélange avec soin, on vide la rigole dans le creux à lizier,fosse avec laquelle elle communique, et qui doit avoir assez de capacité pour contenir l’engrais produit en une semaine. Cet engrais doit alors rester tranquille dans la fosse pendant un mois, ce qui oblige par conséquent à avoir 5 de ces trous à lizier, que l’on emplit ainsi successivement chaque semaine, jusqu’à ce que le premier ait été vidé, puis le second, et ainsi de suite. M.  Bella a fait établir, à la ferme modèle de Grignon, des fosses à engrais d’une disposition analogue.

Mais les engrais liquides ou très-étendus d’eau ne peuvent pas être dans toutes les localités employés économiquement en arrosages assez fréquens ou en irrigation ; ils ont, d’ailleurs, quelques inconvéniens réels que des améliorations récentes permettent d’éviter, comme nous le verrons plus loin.

Au lieu de les étendre d’eau, on peut quelquefois avec profit réduire par l’évaporation les engrais à un poids moins considérable. Ainsi, pour le sang des animaux, plusieurs procédés de dessiccation peuvent être employés et offrir sous des poids égaux des différences remarquables dans les propriétés des produits obtenus.

La cohésion, l’insolubilité acquises aux produits, ont alors évidemment pour effet

agriculture.
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