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chap. 4e.
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DES DIFFÉRENS ENGRAIS.

L’emploi des varecs ou fucus, sur les côtes de France, a été considéré comme assez important pour qu’une ordonnance ait fixé l’époque de leur récolte entre la pleine lune de mars et celle d’avril, parce qu’à cette époque ils ont répandu leurs granules reproducteurs et ne sont point encore couverts du frai des poissons. Oscar Leclerc-Thoüin.

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Art. ii.Des engrais animaux.

Ce sont les animaux qui fournissent les engrais les plus puissans : la chair musculaire, le sang, la corne, les débris des peaux, des tendons, la laine, la soie, la matière fécale, les os et quelques préparations de ces substances, objets de grandes exploitations industrielles, telles que le noir animalisé, tiennent à cet égard le 1er rang ; ils peuvent être expédiés à des distances considérables et offrir un complément indispensable aux engrais végétaux et aux fumiers des écuries. Ainsi, l’on peut dire que les débris des animaux et les déjections animales offrent les plus riches agens de la fertilisation des sols. — Nous croirons donc devoir exposer avec quelque étendue cette large base sur laquelle repose l’agriculture, la prospérité des peuples, et même, nous le verrons bientôt, la salubrité des grandes villes.

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§ ier. — De quelques substances peu employées.

Aucune expérience certaine n’autorise à considérer les matières grasses comme susceptibles de servir d’engrais directement.

Les tendons sont en général trop difficiles à diviser pour former des engrais pulvérulens ; il faudrait se borner à les trancher en menus morceaux.

Sabots, ergots, onglons, cornes. — Ces débris d’animaux constituent un des plus riches engrais azotés ; mais leur forte cohésion et la difficulté de les diviser, autant souvent que leurs prix élevés, précisément en raison de leur volume et de leur moindre coloration, en font réserver la plus grande partie pour les usages de la tabletterie. Ceux qui sont défectueux ou d’un petit volume, se vendent aux fabricans de bleu de Prusse ; enfin les râpures de corne, déchets des tabletiers, se présentent comme engrais dans les conditions les plus favorables. Il convient de les couvrir de terre près des plantes, afin d’éviter que le vent ne les déplace. Cet engrais, d’un prix élevé, a été employé avec succès, de même que ceux indiqués ci-après, pour les oliviers, les mûriers et les vignes.

Plumes, crins, poils, bourres de laine et de soie. — Les plumes défectueuses et toutes celles qui ne peuvent servir ni pour les lits, ni pour écrire, ni pour les tubes des pinceaux, ainsi que les crins, poils, bourres de laine et de soie, qui ne peuvent être employés plus avantageusement dans divers ouvrages de sellerie, bourrelerie, tissus, etc., seront aisément utilisés aussi comme un excellent engrais, en les mettant dans des sillons creusés près des plantes et les recouvrant de terre. Toutes ces substances, de même que celles comprises dans le paragraphe précédent, quelque divisées mécaniquement qu’elles soient, offrent encore une trop grande résistance à la décomposition pour suivre les progrès de la végétation et réaliser leur maximum d’effet ; nous verrons plus loin qu’il en est généralement de même pour une autre substance résistante, les os, tandis que la chair, le sang et la matière fécale, qui sont peut-être trop vite décomposables, peuvent être mises dans les conditions le plus favorables et réaliser la plus grande proportion de leur effet utile.

La viande des animaux morts, cuite et divisée comme il est dit dans le livre des Arts agricoles, et que l’on ne se déciderait pas à donner aux bestiaux, formerait l’un des meilleurs engrais (et même le meilleur de tous préparée comme nous le dirons plus bas). Pour en faire usage, on la mélange le plus intimement possible avec environ six fois son poids de terre du champ, afin de la répandre en petite quantité et bien également sur les terres emblavées. Cet engrais, mis à la main près du pied de la plupart des plantes potagères et de grande culture, des vignes, pommes-de-terre, betteraves, etc., sans être en contact immédiat avec la tige, active la végétation d’une manière remarquable. On peut encore la semer comme du grain, à la volée, pour l’engrais des terres qu’elle fertilise extraordinairement. Mélangée avec deux fois son volume de terre pulvérulente, son dosage devient extrêmement facile, et 1500 kil. de ce mélange suffisent à la fumure d’un hectare de terre. Nous nous sommes assurés, par des essais comparatifs, que cette substance est sensiblement préférable comme engrais au sang sec en poudre.

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§ ii. — Du sang desséché.

Sang. — Ce liquide, cependant (surtout lorsqu’il a été soumis à la coction qui, le coagulant, retarde sa décomposition dans la terre), est reconnu si utile à la végétation des cannes à sucre, que depuis peu, on l’expédie de Paris, avec une valeur de 20 fr. les 100 kilogrammes, aux colonies, où il arrive coûtant 40 fr. Le sang, en quelque état qu’il se trouve et de quelque animal qu’il provienne, offre donc aux habitans des campagnes une précieuse ressource comme engrais, et déjà, sous ce rapport, il a formé la base d’une spéculation importante à Paris.

Voici un des procédés les plus simples pour l’utiliser : On fait dessécher au four, immédiatement après la cuisson du pain, de la terre exempte de mottes, que l’on a soin de remuer de temps à autre au moyen du rable ; il en faut environ quatre à cinq fois plus que l’on n’a de sang liquide ; on tire sur le devant du four cette terre chaude, et on l’arrose, en la retournant à la pelle, avec le sang à conserver ; on renfourne de nouveau le mélange, et on l’agite avec le rable, jusqu’à ce que la dessiccation soit complète. On peut alors remettre le tout dans de vieux barils ou caisses, à l’abri de la pluie pour s’en servir au besoin. La terre, dans cette préparation, est utile surtout pour présenter le sang dans un état de division convenable, et rendre sa décomposition dans les champs plus régulière et plus lente. On saura d’ailleurs quelle surface ces mé-