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chap. 4e.
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DES DIFFÉRENS ENGRAIS.

Que la plupart des acides ou des sels acides sont, en général, nuisibles à la germination et au développement des plantes, mais qu’ils peuvent, au contraire, indirectement les favoriser lorsque, sans être en contact avec les extrémités des racines, ils réagissent sur le carbonate de chaux, le décomposent lentement, et dégagent l’acide carbonique, véritable aliment de la végétation.

Voici d’autres déductions non moins importantes de la pratique mise d’accord avec la théorie par une discussion grave de tous les faits naguère souvent contradictoires, et que nous nous sommes empressés de soumettre aux savans comme aux praticiens éclairés.

Déjà nous avons dit que les engrais de matières organiques agissent d’autant plus utilement que leur décomposition spontanée est lente et mieux proportionnée au développement des végétaux ; les résultats suivans ne sont pas moins constans.

Les engrais les plus actifs, de même que ceux qu’une forte résistance à la décomposition rend trop lents à réagir et presque inertes, peuvent être mis dans les conditions favorables précitées.

En rapprochant de l’état le plus convenable les engrais dont la dissolution et la décomposition spontanée sont le plus rapides, on parvient à quadrupler et même à sextupler l’effet réalisable[1].

La chair musculaire, le sang, divers détritus des animaux, ainsi que les fumiers, qu’on laissait autrefois s’altérer au point de perdre des 0,5 aux 0,9 de leurs produits, pourront être utilisés aujourd’hui sans éprouver aucune déperdition préalablement.

L’action énergique desséchante et désinfectante des substances charbonneuses ou des charbons ternes très-poreux, peut être appliquée à la conservation des engrais très-altérables et à la solution de problèmes du plus haut intérêt pour la salubrité publique.

Diverses matières organiques, dissoutes ou en suspension, en très-faibles proportions, dans l’eau, employées en irrigations abondantes, peuvent assurer les plus remarquables effets d’une belle végétation.

Les engrais dont les émanations putrides ne sont pas convenablement modérées peuvent passer en partie sans assimilation dans les plantes, au point d’y maintenir l’odeur forte qui les caractérise. Par la désinfection préalable, on peut prévenir cet inconvénient grave. Une expérience directe démontre, en outre, que certains principes odorans peuvent être sécrétés de même dans la chair des animaux, et notamment des poissons.

Les anomalies les plus frappantes dans l’action des os employés comme engrais sont rationnellement expliquées, rentrent dans la théorie générale, et peuvent être évitées dans la pratique ou reproduites à volonté.

Les charbons ternes, en poudre très-poreuse, imprégnés de substances organiques très-divisées ou solubles, agissent utilement : 1o par la faculté spéciale de ralentir la décomposition spontanée, de mieux proportionner ainsi les émanations assimilables au pouvoir absorbant des plantes (car le charbon seul ne cède sensiblement rien de sa propre substance à l’action des extrémités spongieuses des racines) ; 2o et encore comme agent intermédiaire capable de condenser les gaz et de les céder aux plantes, sous les influences de température, de pression et d’humidité qui font varier ce pouvoir de condensation ; 3o enfin en absorbant la chaleur des rayons solaires et la transmettant au sol, et durant la nuit aux parties des plantes hors de terre, compensant ainsi les causes d’un trop subit et trop grand refroidissement momentané. A. Payen.

Section iii. — Des différens engrais.

Après avoir résumé les principes généraux relatifs aux engrais organiques sous différens états, nous allons les appliquer aux traitemens et à l’emploi des substances spécialement destinées à servir d’engrais en agriculture.

[4:3:1]

Art. ier.Engrais tirés du règne végétal.

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§ ier. — Des plantes terrestres.
I. Engrais produits par les parties vertes.

Dans tous les temps sans doute on a su utiliser les végétaux comme engrais. Les Grecs, au dire de Théophraste ; les Romains, d’après Pline, Columelle et presque tous les auteurs qui nous restent de l’antiquité, recouraient fréquemment à ce moyen pour leur grande culture, « Quelquefois, dit Varron, on sème diverses plantes non pour elles-mêmes, mais pour améliorer la récolte suivante en procurant par leurs fanes aux terres maigres une fertilité plus grande. C’est ainsi qu’on est dans l’habitude d’enfouir, au lieu d’engrais, des lupins avant que leur gousse commence à se former, et d’autres fois, des fèves dont la maturité n’est point assez avancée pour qu’on puisse les récolter. » — Columelle recommande d’une manière plus explicite encore d’employer le même moyen. Il veut que dans les terrains sablonneux on enterre ces végétaux lorsqu’ils sont tendres encore, afin qu’ils pourrissent promptement, et dans les sols plus tenaces, qu’on les laisse devenir durs et roides pour qu’ils puissent soutenir plus long-temps les mottes dans un état de division.

La pratique des engrais verts est encore générale en Italie ; Philippo Re et son excellent traducteur M. Dupont nous en offrent des preuves nombreuses. — Dans toute la Toscane on sème du maïs au mois d’août pour l’enterrer à la charrue vers le commencement d’octobre. — Les Bressans emploient une méthode analogue sur les terrains légers qu’ils se proposent de cultiver en froment. Ils sèment les lupins sur un second labour, à l’époque précitée, dans la proportion d’un hectolitre environ par hectare. — Dans le Bolonais et le territoire de Cesène, dès que

  1. Ainsi le charbon animal, contenant 0,15 de sang sec soluble, agit mieux à poids égal que le sang soluble ; c’est à-dire que la putréfaction ralentie sextuple l’effet utilisé.