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quête tournait à sa plus grande gloire — de quoi l’aimable beau-frère enrageait fort.

Sa liaison avec Ivan durait cependant depuis de longues années. Elle datait de l’achat fait par Véra du grand tableau ; la sauvagerie du peintre, la tristesse de sa vie, sa fierté ombrageuse, avaient commencé par intéresser Véra, puis, heureuse de sentir enfin battre son cœur, curieuse de ses propres sensations, elle avait juré de se faire aimer. Cela semblait bien facile ; cependant le peintre se drapa dans sa pauvreté ; il avait peur des millions de la belle dame ; il sentait d’une façon exagérée le ridicule d’un homme pauvre, qui aime une femme trop riche. Il fallait qu’elle lui fît oublier les millions, le luxe de la ville, pour arriver à ses fins. Une saison de campagne dans un coin perdu, loin des connaissances importunes, arriva juste à propos. Véra avait, depuis sa froide jeunesse, cherché à connaître cette chose qu’on appelait l’amour ; elle savoura le fruit, et le trouva exquis.

Mais elle en usa avec son amour, comme un avare avec son or ; de retour à Pétersbourg les amants se virent rarement. Ivan, révolté de nouveau, se refusait à fréquenter ses salons ; elle n’insista pas ; personne ne soupçonna que le peintre dont on commençait à s’occuper un peu, laid, pauvre, solitaire, avait réussi là où tous les autres avaient échoué. Véra sentait