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Ivan avait fait ce tableau avec amour ; les trois figures, demi-nature, ressortaient bien, les yeux allaient tout de suite à elles, mais tous les accessoires aussi étaient traités de main de maître. Il lui avait fallu un véritable courage pour les maintenir bien à leur place, comme accessoires ; il avait dépensé des semaines d’un travail acharné dans certain coin du tableau, perdu dans la pénombre. Il n’était pas mécontent de son œuvre ; c’était ce qu’il avait fait de mieux jusqu’à présent ; son talent, un peu rude, très original, s’assouplissait enfin ; le coloris devenait vraiment harmonieux, sans ces transitions violentes du clair brutal au noir intense, auxquelles il se laissait aller quelquefois ; les tons laiteux, les demi-teintes douces et lumineuses, il avait fini par s’en rendre maître.

Il songeait, tout en étudiant son tableau, à ses débuts difficiles, à la lutte acharnée qu’il lui avait fallu livrer, non seulement contre la vie, mais encore contre lui-même ; il se rappelait ses premières tentatives : une peinture rude et heurtée qui ne plaisait pas, et qui ne pouvait plaire. Il avait encore dans les oreilles les plaintes de sa mère, veuve et sans fortune, qui lui reprochait de prendre un métier de meurt-de-faim, tandis que dans l’administration où son père avait été petit employé, on aurait consenti à le prendre pour y remplir la même place. Qu’elles avaient été tristes ces années d’adolescence ! Il lui