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nous trouvons en tête-à-tête, mais sitôt que d’autres sont là, elle semble avoir plaisir à faire sentir que je suis sa fille adoptive, que je m’appelle Marca de Schneefeld ; il y a dans toute son attitude envers moi, à ces moments-là, quelque chose d’infiniment bon ; c’est une délicatesse exquise de sa nature, car, certes, elle veut me faire oublier que je suis une orpheline et que je dépends d’elle absolument.

« Ainsi l’autre soir, au grand bal qu’elle nous a donné, à mes cousines et à moi, c’était surtout moi qu’elle mettait en évidence… Mais avant de vous parler du bal, il faut que je vous raconte une petite scène qui l’a précédé ; vous voyez que, malgré tous vos sages conseils, j’écris comme je parle, à la diable, sans méthode et sans ordre !

« Nous étions, comme vous le pensez bien, dans un joli état de surexcitation, et nos rêves étaient peuplés de robes de bal et de danseurs charmants, Claire et moi, surtout ; Laure, qui va dans le monde depuis deux ans, était plus calme, et souriait un peu dédaigneusement à nos extases de pensionnaires ; c’est que Laure est un personnage important, on s’occupe beaucoup de son mariage, elle-même ne songe qu’à cela. Cela doit se faire cette année, paraît-il, quoique l’heureux mortel ne soit pas encore choisi ; on dirait vraiment que pour les maris, c’est comme pour les toilettes ; on veut une robe neuve, on n’en a pas encore choisi l’étoffe,