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tous trois qui allaient curieusement d’une pièce à une autre, sans calculer eux, se disant seulement que tout était fort bien, et qu’on y était mieux que dans le grand appartement un peu raide et bourgeois de la rue Saint-Honoré.

Le baron Jean avait vieilli aussi bien que sa grosse moitié ; il avait jauni, et la peau prenait des tons de vieil ivoire sur les os proéminents de ses joues maigres : ses yeux gris étaient inquiets, ne se posaient sur rien, allaient, venaient. La guerre avait passé sur ses affaires, qu’il n’avait jamais su mener avec la dextérité superbe de son grand frère ; il avait des moments de terrible inquiétude, et pendant ces moments-là, il gémissait en songeant aux millions fraternels. Il n’avait pas eu, pendant la guerre de 1 870, une attitude très nette ; resté Allemand de cœur malgré la naturalisation, il s’était réfugié aux premiers coups de canon, dans sa maison de campagne et quand ses anciens compatriotes l’avaient envahie, il avait trinqué de très bon cœur avec eux, leur ouvrant sa cave fournie d’excellents vins de France. Cette générosité avait été récompensée : sa cave avait sauvé sa maison. Le souvenir de sa défaillance lui était amer ; il était redevenu très Français, et ne manquait pas de dire à qui voulait l’entendre, que son fils Maxime, âgé alors de moins de vingt ans, s’était battu crânement et avait reçu une blessure assez grave à Montretout ; cette blessure