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qu’il lui laisserait toute entière son immense fortune ; cela la rendait très importante. Depuis le soir où Amélie avait failli faire un esclandre, son mari l’avait sermonnée et lui avait tracé un plan de conduite ; Jean de Schneefeld était beaucoup moins brillant que son frère aîné, beaucoup plus Allemand ; il s’était contenté d’une position subalterne, dans laquelle, tout doucement, il amassait, lui aussi, quelques modestes millions. Sa femme, très ambitieuse et assez brouillon, lui reprochait l’humilité de son attitude, répétant qu’avec sa dot, elle avait droit à une autre situation. Le mari qui ne se fâchait jamais qu’à la sourdine, lui fit enfin comprendre que tout ce qu’il faisait était raisonné et bien raisonné, et laissa même entendre qu’il était en train de garnir ses poches mieux qu’on le croyait généralement ; sur quoi Amélie s’écria : « Alors, pourquoi lésinez-vous sur mes toilettes ? » Il avait trouvé que la robe vert Metternich avait coûté trop cher et qu’elle était trop voyante ; il aurait voulu voir sa femme modeste, et s’effaçant devant les autres Schneefeld. La Française, avec l’importance de sa dot toujours devant les yeux, refusait avec obstination de courber la tête devant « l’aventurière ». Ce ne fut qu’au bout de plusieurs années, quand son mari, à force de raisonnements, lui eût fait entrevoir que Véra était une puissance, et que le premier devoir de l’homme