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modeste de ses commencements ; cette attitude-là ne pouvait plus le servir. C’était l’homme gai et superbe, qui dépensait son argent avec la même facilité qu’il mettait à le gagner ; très beau garçon, grand, blond, un peu rouge de teint, tout le contraire du petit Allemand malingre aux joues osseuses, à la figure carrée, comme on en voyait beaucoup dans ses bureaux.

Il était devenu plus Parisien que les Parisiens ; il fallait qu’il fût bien en colère ou bien ému, pour que l’accent allemand, qui se perd si difficilement, fût sensible chez^ lui. On le croyait vieux garçon endurci ; aussi quand un beau jour il ramena à Paris une femme de vingt-deux ans, l’émoi fut grand dans le monde où il vivait. Sa belle-sœur, la femme du jeune frère qu’il avait fait venir d’Allemagne, et qu’il tenait dans une infériorité, parfaitement acceptée du reste, faillit en faire une maladie. Mais c’était un fait accompli ; il n’y avait qu’à s’incliner.

Jamais l’adoration que le baron ressentait pour sa femme n’avait été plus visible que pendant cette soirée ; on en chuchotait tout bas. Véra, très calme, en passant de temps à autre auprès de son mari, lui donnait un regard hâtif, un demi-sourire : il ne lui déplaisait nullement que tout ce monde qui la traitait d’aventurière sût désormais à quoi s’en tenir. Oui, elle tenait bien le beau baron ; elle pouvait défier le monde entier de le lui reprendre.