Page:Mairet - Marca.djvu/287

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle ne savait plus que dire. Elle restait là sous la lumière de la lune, levant vers lui ses beaux yeux voilés de larmes. À quoi bon chercher à se justifier, s’il ne voulait pas la croire ?

— Laissez-moi passer, Pierre. Vous étiez bon pour moi, dans le temps, — et je vous en remercie. Un jour vous direz : « J’ai été trop dur ; elle disait pourtant la vérité peut-être… »

— Vous aviez faim ? J’étais là ; et vous ne m’en disiez rien. Savez-vous pourquoi ? Parce que vous ne vouliez rien me devoir. Vous aviez peur qu’un jour je ne vinsse vous dire de nouveau : « Soyez ma femme. » Et vous aimez mieux être la maîtresse de ce beau fils, que la femme d’un honnête garçon qui a porté la blouse… qui est du peuple comme vous !

Elle avait peur ; elle aurait voulu crier, mais elle n’en avait pas la force. Cependant elle finit par dire très doucement :

— Je vous jure que vous vous trompez… je n’ai rien fait de mal…

— Pauvre enfant…

Il était pris d’un attendrissement soudain.

— Pauvre malheureuse ! si ce n’est pas encore aujourd’hui, ce sera demain. C’est inévitable ; vous l’aimez et il vous donne à manger : il vous offrira un refuge que vous accepterez. Est-ce qu’un beau monsieur comme lui donne quoi que ce soit pour rien ? Vous ne connaissez pas la vie… vous résis-