Page:Mairet - Marca.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.



CHAPITRE XXI


Le long mois d’attente passa bien lentement, et la lettre d’Amérique n’arrivait pas. Marca se dit que, tout en comptant largement le temps nécessaire, elle n’avait pas songé au déplacement possible de la famille. Elle ne pouvait passer devant la concierge sans faire sa petite question habituelle :

— Il n’y a rien pour moi aujourd’hui ?

La concierge, à la fin, lui répondit très brusquement qu’elle n’avait pas pour habitude de garder les lettres des locataires. Elle n’aimait pas les personnes qui ne payaient pas régulièrement, et Marca devait son mois. Elle n’osa plus rien lui demander.

Pierre la rencontrait quelquefois dans l’escalier ; mais ils ne se disaient plus grand’chose. Le jeune homme se sentait froissé dans son amour-propre ; il voyait dans la conduite de Marca un mépris pour sa classe, une morgue de fille élevée dans le luxe, et il devenait dur et méprisant, lui aussi. Cependant, au fond, il l’aimait toujours ; il ne pensait