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cruelle angoisse, se mit à lui raconter son histoire, sachant que la pitié pour les autres est le meilleur remède contre la trop grande pitié pour soi-même.

Elle s’était trouvée, après trois ans de mariage, seule devant les difficultés de la vie, avec un enfant sur les bras. Son mari, un homme séduisant et charmeur, faible et vicieux, avait été condamné pour une action déshonorante. Elle ne pouvait pas se laisser mourir de honte et de chagrin, car son fils avait besoin d’elle. Elle reprit son nom de jeune fille, et se mit au travail.

Au bout de vingt-cinq ans d’efforts patients, elle entrevoyait le jour où elle pourrait jouir d’une aisance bien gagnée, auprès du fils qu’elle adorait. Un jour, on vint lui dire que ce fils avait fait des faux, et que son patron, un agent de change, consentait à étouffer l’affaire à la condition d’être payé intégralement. Il fut payé ; toute la petite fortune y passa — sauf une misérable rente viagère : de quoi ne pas mourir de faim.

— Et maintenant, ajouta la pauvre femme, qu’il me vient une fille à la place du fils que je ne reverrai jamais, — je ne puis rien pour elle !… rien, sinon lui donner un asile et beaucoup d’affection.

Madame Langlois avait pris le bon moyen ; Marca, en la consolant, en la câlinant, oublia presque son propre chagrin.