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blessée à mort, elle ne songe pas à épargner la vanité des autres. Et je suis blessée à mort… Mon amour pour cet homme que j’avais trouvé pauvre, inconnu, triste et à qui j’avais donné le bonheur ; mon amour pour cet homme, c’était ma vie même ! Je l’aimais… je l’aimais, moi qui n’avais jamais rien su aimer sur la terre…

Elle se parlait à elle-même plus encore qu’aux autres. Elle avait les gestes vagues d’une folle. Tout d’un coup elle se releva, et voyant Marca toujours auprès de Maxime, elle lui cria :

— Tu es encore ici ? Mais tu ne comprends donc pas ? Je te chasse. Je t’ai prise à la rue, retourne à la rue ! Tu m’as demandé une fois ton histoire ; la voici : Ta mère était une petite ouvrière de seize ans, qui massacrait le français, qui avait bêché la terre, comme ses parents, de misérables paysans. Ma charité l’avait ramassée demi-morte. On l’avait séduite… cela va sans dire, — vous autres n’êtes-vous pas là pour cela ? Elle est morte en te mettant au monde. En voilà assez, je pense ; retourne d’où tu viens ; je ne te connais plus.

— Pardon, ma tante… vous m’avez donné Marca pour femme, je la garde comme telle… Je l’aime.

Le baron Jean, qui était resté tout ce temps muet de surprise, s’avança vers son fils, furieux et menaçant.