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C’était un cri de passion. Véra ne s’y méprenait pas. Jusqu’alors elle, avait écouté presqu’hébétée ; c’était comme si elle faisait quelque mauvais rêve, dont le réveil était proche. Cependant elle commençait à comprendre, la malheureuse ! C’était son amant qui parlait ainsi ! Elle était oubliée ; l’accent de la passion, qu’elle connaissait si bien, s’adressait, non plus à elle, mais à une autre. Elle faillit se trouver mal ; tout s’effondrait en elle : Ivan ne l’aimait plus. Elle se retint à une branche, qui plia en craquant ; ce petit bruit lui fit une peur atroce, et lui rendit des forces : elle voulait entendre jusqu’au bout. Le bruit qui lui avait semblé formidable n’avait pas été entendu de l’autre côté du rideau verdoyant. Mais elle avait perdu quelques phrases ; Marca était assise de nouveau, et elle pleurait.

— Comment aurais-je pu me douter de cela ?

— C’est vrai, pauvre enfant ; je cachais soigneusement mon amour ; et il fallait le cacher en effet !

— Croyez-moi, fit Marca, cherchant à parler bien posément, vous vous trompez en croyant m’ aimer. J’ai pensé à vous bien des fois. En voyant vos succès, en songeant aux années très dures que vous aviez traversées, je me disais que c’était bien dommage qu’il n’y eût pas auprès de vous une compagne pour partager ces triomphes, pour faire oublier ce passé si pénible ; non pas une petite fille comme moi, ne connaissant rien de la vie, mais