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pendant il n’était pas douteux qu’elle attirât fort les hommes. Deux femmes, dans un coin, se demandaient à voix basse quelle en était la raison, se communiquant leurs idées, à ce sujet, avec une crudité que certaines femmes, quand elles se croient bien seules, quand elles sont doucement excitées par un doigt de Champagne, se permettent volontiers. L’une d’elles, la grosse Amélie, comme l’appelait Véra, disait que c’était la blancheur et la finesse extraordinaires de la peau ; l’autre, madame de Vignon, mère du comte de Vignon, grand coureur, jeune homme déjà fatigué, en voyage depuis un mois, prétendait qu’il y avait chez la jeune étrangère un manque de pudeur qui expliquait parfaitement son succès. Amélie approuvait fort cette critique, d’abord parce qu’elle approuvait tout ce que disait la comtesse de Vignon — une vraie comtesse celle-là, et qu’on choyait beaucoup dans le monde de la finance ; — puis aussi parce qu’elle en voulait plus que jamais à sa belle-sœur. Elle portait ce soir-là une toilette en satin vert Metternich, alors très à la mode, un vert cru qui semblait appeler la lumière électrique des apothéoses, et qui détonnait terriblement dans ce boudoir, fait pour une blonde. Amélie avait compté qu’on s’installerait de suite au grand salon bouton d’or, où elle eût pu produire son effet ; c’était une femme aux fortes couleurs, déjà lourde, souffrant