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Il aimait Véra, il se plaisait à se le répéter tout bas.

— Vous vous fatiguez à courir la campagne par ces chaleurs, mon ami, disait Véra qui, ce jour-là, était maternelle, pleine de petites attentions, car le visage altéré et pâle d’Ivan lui avait fait peur. Il faut rester tranquillement auprès de nous et vous remettre petit à petit à notre tableau ; vous ferez vos études en plein air, nous poserons tous, les uns après les autres, tant que vous voudrez, et à l’automne la serre se transformera en atelier sérieux ; il faut que mon tableau soit le grand succès du prochain salon.

Il disait oui, il consentait à tout ce qu’elle voulait, mais il ne répondait que par de petites phrases ; il était pris d’une telle lassitude que le moindre effort lui coûtait. Elle, de son côté, semblait comprendre l’état de son âme ; elle ne causait que par intervalles, et de choses banales, d’une voix très douce ; souvent, ils restaient l’un près de l’autre en silence, et Ivan préférait presque cela. Il lui savait gré de le deviner ; il se disait qu’une femme qui n’aime pas très réellement n’a pas ce tact, et il lui était reconnaissant de cet amour, à la condition qu’elle le maintînt à la sourdine, comme un chant de violon à moitié étouffé.

Il fut arraché de cette demi-torpeur par un cri déchirant, suivi d’un tumulte indescriptible.