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le point de fuir, de prétexter n’importe quoi pour expliquer un départ subit ; vingt fois il commença une lettre où il disait à Véra que cette vie, où à chaque instant il fallait s’observer, était au-dessus de ses forces, une lettre où, entre les lignes, la malheureuse eût pu lire ces mots : « Je ne vous aime plus… » — et vingt fois il déchira le papier.

Le soleil se leva, et il n’avait encore rien résolu. Il se jeta sur son lit et dormit quelques heures ; il se leva mécontent, plus irrésolu que jamais, accablé, à moitié malade. Le premier son qui frappa son oreille fut une jolie romance chantée à pleine voix par Marca. C’était sa façon de réveiller les paresseux du château ; tout en chantant de sa voix fraîche et très souple, elle faisait de gros bouquets pour le salon. Ivan se cacha pour la regarder ; il lui sembla voir le printemps en personne qui l’appelait et qui ne demandait qu’à lui jeter des fleurs. Il eut une envie folle d’aller à elle et de lui dire qu’il la trouvait jolie, charmante ; il n’osa bouger ; il resta caché derrière ses rideaux, la suivant des yeux.

Il contemplait cette jeunesse toute joyeuse et il lui sembla que Véra était vieille ; il voyait une perspective de vie heureuse, entourée, respectée, et sa vie de mensonge lui soulevait le cœur. Bientôt il n’entendit plus le joli chant, mais des éclats de rire venaient jusqu’à lui et lui faisaient mal : Marca