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Il s’arrêta, sentant une sueur froide lui perler aux tempes…

Alors il devint injuste pour Véra, doutant de la sincérité de sa passion, cherchant à se persuader que toute cette histoire d’un amour unique n’était qu’une fable faite pour l’amuser. Lui, son seul amant ? Qu’en pouvait-il savoir ? Elle était veuve déjà depuis plusieurs années quand il s’était trouvé sur son chemin ; et avant son mariage — elle l’avait dit elle-même, avec cette franchise qui était un trait marquant chez elle — on la traitait d’aventurière ! La naïveté dont il avait fait preuve dans toutes ses relations avec cette femme, révoltait son amour-propre ; il connaissait la vie maintenant, ou croyait la connaître, et plus il s’imaginait avoir été dupe, plus il était prêt à soupçonner une nouvelle tromperie partout.

Et au fond de toutes ses révoltes, il y avait une vérité qu’il ne voulait pas voir ; il aimait mieux rejeter la faute sur les circonstances, sur l’aveuglement passé, sur Véra elle-même que de s’avouer que chez lui cette passion, qui avait été si frénétique, dont il avait fait la poésie de sa vie, était une chaîne usée qui lui pesait, dont il cherchait, sans bien le savoir, à se débarrasser. Son roman, qu’il avait cru merveilleux, unique en son genre, devenait une histoire banale, vulgaire au possible.

Ivan passa une nuit atroce. Vingt fois il fut sur