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s’envenimaient tout d’un coup. Sans doute, il l’aimait toujours, ne pensait qu’à elle, mais vraiment elle était par trop sûre de lui, elle le considérait par trop comme son bien, sa chose ! Ah ! si elle avait pu devenir sa femme, il eût été fier de la prendre dans ses bras, de crier à haute voix qu’il l’aimait, et qu’ils étaient l’un à l’autre ; jamais il n’eût songé à la comparer aux jeunes femmes qu’il connaissait sinon pour lui donner sans hésiter la palme de la beauté, de la fraîcheur, malgré les années qu’elle devait avoir en plus… car certes elle ne pouvait plus être très jeune…

Il se mit à marcher fiévreusement dans sa chambre, se demandant comment, tout d’un coup, sans raison aucune, il commençait à voir clair en lui-même ; il avait vécu par son imagination pendant toutes ces dernières années, il avait vu cette femme autrement qu’elle n’était en réalité. Le malheur avait voulu qu’ils vécussent maintenant trop près l’un de l’autre ; il l’avait vue à toute heure, dans les moments de fatigue où sa beauté l’abandonnait soudain comme un masque qui tombe ; il l’avait étudiée dans ses rapports avec les gens dont elle se faisait une cour, et il avait fini par comprendre que sa générosité n’était qu’indifférence, que sa bonté n’était que mépris. Ce monde était pour elle un monde de pantins, et elle en jouait parce qu’il faut bien jouer de quelque chose. Et lui donc alors ?