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avait donné un peu de fièvre, car certes ses mains étaient brûlantes et ses tempes battaient si fort qu’il ne pouvait même pas penser tranquillement. Il avait besoin de repos. Il resta accoudé à la fenêtre, et peu à peu le calme lui revint. Il oublia presque le sujet auquel il voulait réfléchir ; la beauté de la nuit l’enivrait ; la colline boisée se dressait devant lui ; de grands arbres grimpaient jusque là-haut, où leurs cimes se découpaient nettement sur le ciel, car il faisait un beau clair de lune. Il soufflait une brise fraîche et parfumée ; le bruissement des branches faisait une musique mystérieuse qui venait se perdre doucement à l’oreille du peintre. Le château était masqué par un bouquet d’arbres. Ivan se sentait bien seul, et cette solitude lui semblait délicieuse. Sa fièvre s’apaisait, il lui vint des idées douces, riantes ; il oubliait Véra, le monde, même son art ; il n’était qu’un grand enfant fatigué que la nature berçait en chantant. C’était un état d’esprit qui tenait du rêve, mais du rêve éveillé. Alors, tout d’un coup, sans raison apparente, comme viennent les pensées quand on ne les cherche pas, il songea à la jeune femme de son ami, le peintre italien, il entendit distinctement sa voix très douce lui disant : « Notre maison a besoin d’un pendant… votre femme sera charmante… nous voisinerons… » — et il- eut comme la vision d’un intérieur ravissant, d’une