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sombres. Au loin on apercevait la grande ville à demi noyée dans la vapeur du jour ; quelques monuments seuls se distinguaient ; le soleil touchait le dôme doré des Invalides ; l’Arc-de-Triomphe se dessinait fièrement, et tout le resté s’étendait en une ligne indécise, immense ; on croyait presqu’entendre la rumeur de la ville géante ; son haleine retombait lourdement sur elle-même, l’enveloppant, la voilant à demi aux regards.

Jamais résidence d’été ne fut mieux disposée pour des amoureux en quête de coins mystérieux, d’où l’on pouvait à deux admirer un joli paysage et écouter le chant des oiseaux.

Marca un jour en fit un peu malicieusement la remarque à Laure, qui prenait volontiers de jolis airs de fiancée, surtout quand M. des Granges pouvait la voir ; mais ce jour-là les deux jeunes filles se trouvaient seules : il était inutile de poser. Laure eut un instant de franchise brusque ; elle s’arrêta, regarda sa compagne bien en face et lui dit :

— Tu es drôle avec tes petits coins poétiques ! Ah ! que je voudrais que tout cela finisse ! Être mariée et ne plus y penser. Cette cour forcée m’assomme… Nous jouons une comédie, nous savons que nous ne faisons que répéter nos rôles ; tout le monde le sait autour de nous… Mais il est convenu que nous sommes amoureux ; les grands parents nous regardent la larme à l’œil, songeant à