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depuis l’ouverture du Salon, et Ivan n’allait plus chez Véra que fort irrégulièrement. D’abord, elle ne s’en inquiéta pas. Elle lui faisait raconter ses soirées, ses succès mondains. Ils se rencontraient dans un certain nombre de maisons, mais le monde artistique, qu’il fréquentait surtout, n’était pas le monde de la baronne. Aussi en était-elle fort curieuse ; elle questionnait, voulait savoir si les femmes étaient jolies, honnêtes ; si ce n’était pas, au fond, toujours la bohème, un peu dorée par le luxe. Peu à peu elle trouva que les réponses manquaient d’abandon ; Ivan, qui jusqu’alors mettait son âme à nu devant elle, avait des réticences, il ne disait que la moitié de sa pensée : il restait quelquefois un peu absorbé et distrait à ses côtés. Certes il l’aimait toujours, il avait encore des élans de passion ; mais elle ne possédait plus son être tout entier, il avait des intérêts, des admirations, des pensées où elle n’était pour rien. Il lui échappait sans s’en rendre compte lui-même.

Alors elle eut peur. Cette femme restée froide très longtemps, avait mis sa vie entière dans sa passion ; toutes ses pensées, toutes ses aspirations, toutes ses ambitions étaient concentrées dans son amant, qu’elle considérait comme sa création, sa propriété. L’idée qu’il pourrait un jour aimer une autre qu’elle ne lui vint pas encore à l’esprit ; mais