triste, très étrangère, au milieu de ces affaires de famille, abandonnée de Maxime, qui avait sans doute suivi la jeune personne aux cheveux ardents. Elle ne répondit pas tout de suite au peintre ; mais suivant son idée personnelle et désignant le modèle du tableau :
— Elle vous a raconté son histoire ? lui demanda-t-elle.
— Je crois que je l’ai plutôt devinée. Quand on a beaucoup souffert soi-même, on comprend vite les souffrances des autres.
— C’est pour cela que vous êtes venu à moi, me voyant un peu seule. Merci ; je ne vous taquinerai plus quand vous me ferez poser.
Elle souriait, mais pas très gaîment ; bientôt tout en regardant le tableau, elle ajouta :
— Il me semble que maintenant je comprends toutes les angoisses, toutes les révoltes de cette pauvre fille forcée de gagner son pain comme elle peut. Vous avez été poète, monsieur Nariskine, aussi bien que peintre, pendant que vous faisiez ce tableau, et c’est pour cela que je l’aime.
— J’ai reçu beaucoup de compliments aujourd’hui. Mademoiselle, qui m’ont fait grand plaisir, qui m’ont un peu grisé, même, je crois ; mais aucun ne m’a été au cœur autant que vôtre.
— C’est que le mien n’est pas un compliment ; c’est une pensée que je vous exprime, voilà tout.