Page:Mairet - Marca.djvu/142

Cette page n’a pas encore été corrigée

heureuse… Après tout, c’est pour toi-même que tu te maries, ce n’est pas pour ton père.

— Des mots, tout cela. Une fille se marie, comme un homme se fait avocat, banquier ou voleur ; c’est une position, sociale. Va ! Je ne ferai pas la difficile ! Si le petit des Granges n’a pas l’air absolument méchant, ou absolument sot, s’il n’est que nul, je dirai oui ; je l’épouserai surtout par écœurement ; on a sa fierté, et il vient un moment où on consentirait à n’importe quoi, plutôt qu’à être promenée de nouveau de prétendant en prétendant…

— Ma pauvre Laure !

— Bah ! Je suis d’humeur maussade aujourd’hui ; je prends les choses au tragique… si maman pouvait m’entendre ! Mais rassure-toi, demain cela sera passé ; je ne suis une révoltée que par boutade. Il y a des compensations ; quelquefois, après m’être fait de belles tirades à moi-même, je trouve une idée nouvelle pour ma robe de noce, et je ne fais plus de tirades. Puis, vois-tu, on m’appellera madame la Vicomtesse… Et elle se mit à rire d’un rire nerveux qui faisait peine.

En ce moment même la petite scène décrite d’avance par la jeune fille commençait tout à côté. Du coin de l’œil, Laure vit les sourires, les gestes ; et, reprenant son impassibilité de fille bien élevée, elle se remit à causer à mi-voix avec Marca, qui était bien plus émue en apparence que sa cousine.