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pendant cinq minutes peut vous apprendre à le connaître ? qu’il porte sur son visage l’empreinte de toutes ses qualités et de tous ses vices ? que la coupe de son habit ou de sa barbe soit un indice du bonheur ou du chagrin qu’il peut vous causer ? Quand je dis à maman que je voudrais voir mon futur mari souvent, très souvent, avant de rien décider, elle me répond que c’est impossible, que cela ne se fait pas, qu’il ne peut être reçu dans notre intimité qu’en qualité de fiancé, et qu’une fois fiancée, il me sera impossible de reculer. Tu vois que la courte paille aurait du bon. Tout à l’heure nous verrons maman — est-elle rouge aujourd’hui, maman ! — s’avancer vers un groupe d’amis ; on sourira beaucoup, on se traitera de « chère », on fera beaucoup de phrases, et au milieu du groupe se trouvera un monsieur que je n’ai jamais vu et que dans deux mois je jurerai probablement d’aimer à tout jamais. Mon père m’a signifié qu’il fallait enfin me décider, qu’il en avait assez, lui aussi ; tante Véra double ma dot et M. des Granges, le « petit des Granges », comme on l’appelle, consent à me regarder beaucoup. Il y a longtemps que cela traîne ; sans le cadeau de ma tante, le petit vicomte se serait trouvé trop jeune pour se marier, et j’aurais été autorisée à aimer passionnément quelqu’autre monsieur aux prétentions moins exagérées.

— Mais pourquoi te laisser faire ? Tu seras mal-