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avec fierté sa dernière fille, âgée de quelques mois.

Tout en se demandant ce qu’elle pourrait bien faire pour se venger de cette femme qu’elle détestait, tout en continuant à marcher sur les feuilles sèches, ses pensées allaient et venaient ; elle ne perdait pas de vue le sujet principal de ses méditations, mais elle se souvenait du temps passé.

Elle s’enveloppait avec volupté dans ses belles fourrures, et le bruit un peu perdu de sa voiture, qui la suivait dans la grande avenue à côté, lui était singulièrement agréable. « Aventurière ? » Hélas ! oui, certainement elle était une aventurière : c’est-à-dire qu’elle ne devait sa fortune qu’à elle-même, à son intelligence. Sa mère et elle avaient connu des temps très durs ; elles avaient chassé le gros gibier, l’homme qui épouse, pendant de longues saisons aux bains de mer, des mois et des mois d’hiver, à Nice, à Cannes, un peu partout ; elles avaient connu l’angoisse de lourdes notes d’hôtel à payer quand la bourse, mince toujours, était vide. Véra avait porté plus d’une fois, sous sa robe de soie, une chemise lavée la nuit dans sa cuvette, faute de pouvoir s’offrir le luxe d’une blanchisseuse. C’est bien pour cela que, maintenant, elle jouissait de son bien-être, qu’elle se frottait à ses fourrures, à ses velours, avec un plaisir de chatte blanche s’étirant devant le feu. Elle s’était fait épouser par le gros banquier Schneefeld, le frère