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reux ! Je ne crois pas que cela rende égoïste ; j’aimerais tant à vous donner un peu de mon bonheur.

— Donnez-moi un peu de votre affection, cela me suffira. Vous avez dix-sept ans, moi j’en ai cinquante-cinq ; vous êtes pleine de vie, moi je me meurs lentement, mais sûrement ; je connais mon mal ; je l’étudie ; chaque jour il fait un peu de progrès que je guette avec beaucoup de sang-froid ; je sais aussi bien que mon médecin qu’il ne me reste que peu de temps à vivre. Je suis comme les animaux blessés, je me cache pour mourir ; j’ai la pudeur de mon mal. Vous êtes étonnée de me voir dans cet appartement si pauvre et si nu ; c’est bien simple : j’ai dû donner — pour sauver quelqu’un — deux cent mille francs, c’était tout ce que j’avais ; la vente de mes meubles, de mes quelques bijoux, a produit de quoi me faire une rente viagère qui me permet de manger tous les jours, de payer un médecin, et d’avoir une femme de ménage qui nettoie l’appartement et qui, le soir, vient faire mon dîner ; les restes du dîner forment mon déjeuner du lendemani que je sers moi-même… vous voyez qu’en effet, vous pourrez mettre le couvert… Vous vouliez savoir : voilà.

Marca resta silencieuse pendant quelques instants ; c’était un effondrement si terrible, si complet que toute parole de consolation eût été banale ;