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de la vie, pour arriver à joindre les deux bouts à la fin de l’année ; des vieilles filles bien tranquilles, se consolant, avec un chat ou des oiseaux, des affections qui leur ont manqué ; tout un monde décemment pauvre cherchant à se cacher, ne demandant au monde que l’oubli : toutes ces tristesses qu’on devinait à moitié, venaient ajouter au froid de l’escalier, à l’odeur de renfermé. Marca, qui s’était élancée joyeusement, avait ralenti son allure ; il lui semblait maintenant que ces fleurs qu’elle tenait à pleines mains, et dont était chargée la femme de chambre qui la suivait, n’étaient pas à leur place. Alors, elle se demanda avec un serrement de cœur ce que pouvait bien faire sa bonne madame Langlois, dans un petit appartement, au cinquième étage d’une maison pareille. Elle l’avait toujours vue entourée sinon de luxe, au moins d’un grand confortable.

Dans le billet qu’elle avait reçu de son ancienne maîtresse, il avait bien été question d’un grand revers de fortune ; mais la jeunesse heureuse comprend mal le sens des mots : chagrin, malheur ; et Marca se trouvait si peu préparée à ce changement brutal, qu’elle ne savait plus bien quelle contenance faire. Quand elle se trouva enfin au cinquième, elle hésita quelques instants avant de sonner. Julie, la femme de chambre, ne disait rien, mais un pli de sa lèvre indiquait assez son mépris pour cette pauvreté décente.