même. Abandonnez votre fortune à ces gens qui la convoitent, et soyez ma femme. Je vous en supplie, Véra, réfléchissez ! On finira par savoir que je suis votre amant : l’amant d’une femme plusieurs fois millionnaire ; on dira que j’ai profité de mon amour. Comment prouver le contraire ? Ce n’est que depuis que je vous connais qu’on me trouve du talent ! Alors, un jour où j’aurais senti le mépris d’un regard, je briserai nos liens. Oh ! je me connais ! ce jour-là tout sera fini : mon bonheur sera mort et le vôtre aussi, mon amie. Tandis…
— Je croyais que nous en avions fini avec ces discussions ; vous devenez d’un bourgeois !… être votre femme, me défaire de mes millions ? Mais, mon pauvre Ivan, je ne serais plus moi — et j’aurais grand’peine à être autre chose — ce n’est pas à mon âge qu’on apprend un nouveau rôle.
Elle avait dit ces derniers mots très légèrement ; mais elle sentit les yeux de son amant fixés sur elle, l’étudiant comme il ne l’avait jamais étudiée ; la fatigue se faisait sentir sur ce visage qu’il avait cru doué d’une jeunesse éternelle. En ce moment elle avait presque son âge. Il ne disait rien, mais tout d’un coup, pour la première fois, il vit qu’en effet son rêve n’était qu’un rêve. Véra ne pouvait pas être cette femme entrevue un instant, cette jeune mère de jeunes enfants, cet ange du foyer ; elle était sa maîtresse — elle ne pouvait