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comme les blés, si nous en croyons MM. les peintres qui, à ce qu’il paraît, jouissent de révélations particulières à ce sujet. Savez-vous pourquoi on associe toujours l’innocence avec les cheveux blonds ? Si j’avais à donner un corps à cette idée fort abstraite, je vous prendrais comme modèle, comme vous étiez tout à l’heure, les yeux levés, songeant au paradis. Je vous compare aux autres jeunes filles que je vois, et je vous trouve, bien plus qu’elles, d’une innocence terrible !

— Terrible ? fit Marca.

— Oui ; vous n’avez peur de rien ; vous avancez dans la vie, dont vous ne voyez que les dehors, avec une hardiesse tranquille qui fait trembler ; tout vous semble simple et facile — tandis…

— Je ne comprends pas. Je suis heureuse, voilà tout. Songez donc, mon histoire n’est-elle pas comme un conte de fée ? Je ne sais qui je suis, et ne m’en soucie guère ; je me sens protégée par un pouvoir merveilleux, tous mes souhaits sont comblés, je ne vois que de jolies choses ; je vis dans un enchantement continuel, tout le monde me gâte ; quand je ris, c’est me dit-on, que j’ai un « charmant caractère ! » si par hasard je songe un instant à des choses tristes, aux circonstances de ma naissance par exemple, c’est que je suis une « âme d’élite ». C’est très agréable tout cela. Comment voulez-vous que je ne sois pas heureuse ? Et le bonheur