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nard, on dirait que les enfants s’élèvent tout seuls, que les ressemelages de souliers ne coûtent rien. Qu’on est loin des accidents de chemins de fer : Maurice Denis devrait peindre au ciel, car il ignore le smoking et le fromage des pieds. Non point que je trouve très audacieux de peindre un acrobate ou un chieur, puisque, au contraire, j’estime qu’une rose faite avec nouveauté est beaucoup plus démoniaque. Dans le même ordre d’idées, je sens le même mépris envers un pasticheur de Carolus Duran qu’envers un de Van Gogh. Le premier a plus de naïveté et le second plus de culture et de bonne volonté : deux choses bien piètres.

Ce que j’ai dit de Maurice Denis convient à peu près à Charles Guérin et je n’insiste pas.

Ce que l’on remarquera surtout au Salon, c’est la place qu’a pris l’intelligence chez les soi-disant artistes. Tout d’abord, je trouve que la première condition pour un artiste est de savoir nager. Je sens également que l’art à l’état mystérieux de la forme chez un lutteur a plutôt son siège dans le ventre que dans le cerveau, et c’est pourquoi je m’exaspère lorsque je suis devant une toile et que je vois, quand j’évoque l’homme, se dresser seulement une tête. Où sont les jambes, la rate et le foie ?

C’est pourquoi je ne puis avoir que du dégoût pour la peinture d’un Chagall ou Chacal, qui vous montrera un homme versant du pétrole dans le trou du cul d’une vache, quand la véritable folie elle-même ne peut me plaire parce qu’elle met uniquement