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La transformation d’un ver à soie ou d’une chenille en un papillon seroit mille fois plus difficile à croire que celle des poissons en oiseaux, si cette métamorphose ne se faisoit chaque jour à nos yeux, & si on nous la racontoit dans une Partie du monde où elle fût inconnue. N’y a-t-il pas des fourmis qui deviennent aîlées au bout d’un certain tems ? Qu’y auroit-il de plus incroyable pour nous que ces prodiges naturels, si l’expérience ne nous les rendoit familiers ? Combien le changement d’un poisson aîlé, volant dans l’eau, quelquefois même dans les airs, en un oiseau volant toujours dans l’air & conservant la figure, la couleur & l’inclination du poisson, est-elle plus aisée à imaginer de la façon dont je viens de vous l’exposer ? La semence de ces mêmes poissons portée dans des marais peut aussi avoir donné lieu à cette première transmigration de l’espèce, du séjour de la mer en celui de la terre. Que cent millions ayent péri sans avoir pû en contracter l’habitude, il suffit que deux y soient parvenus pour avoir donné lieu à l’espèce.