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clients qui lui en feront la demande, sans que cette juxtaposition de leur marque de commerce à sa marque de fabrique implique aucun abandon de sa part.

La Cour de Paris a eu à examiner la question, et à la trancher par arrêt du 17 mars 1877, de manière à fixer la jurisprudence. M. Carrère, fabricant de tapioca à Nantes, s’était entendu avec une maison de Paris, ayant de nombreux clients, pour lui fournir dans des enveloppes portant le nom de chaque client, et sa marque, à lui, Carrère, des pâtes de sa fabrication, en telles quantités qui lui seraient demandées. M. Carrère ayant des difficultés avec cette maison, elle cessa de lui prendre du tapioca, mais continua à en vendre à sa clientèle, dans les mêmes conditions que précédemment. M. Carrère poursuivit alors, et la maison fut condamnée pour le principe, croyons-nous, car si elle avait incontestablement tort en droit, il y avait en fait des circonstances plus qu’atténuantes.

Le lecteur lira certainement avec un vif intérêt l’extrait suivant des remarquables conclusions prises au nom de M. Carrère par Me Pouillet. Elles sont parfaites, et il n’y a pas un mot à en retrancher ; mais elles seraient encore plus saisissantes si elles étaient explicitement basées sur la distinction que nous avons exposée plus haut.

47. — « Attendu que l’abandon, aux termes d’une jurisprudence unanime, ne se présume jamais et ne peut résulter que d’actes certains, manifestes, non équivoques ; — Attendu que tout proteste contre l’abandon que Carrère aurait fait de sa marque ; qu’en effet il en a, à plusieurs reprises, réitéré le dépôt ; qu’il l’a fait figurer dans ses entêtes de lettres, factures, papiers de commerce ; qu’il la place encore sous forme de cachet sur toutes ses lettres ; qu’ainsi, il montre son intention d’en garder la propriété et d’en faire le signe distinctif de sa maison ;

« Attendu que le fait qu’il ait composé pour les acheteurs de son tapioca des étiquettes sur lesquelles, à côté de son emblème-marque, il inscrivait le nom du débitant, ne saurait être regardé même comme une présomption d’abandon ; qu’en effet, il avait le droit de se montrer bienveillant pour ceux qui débitaient sa marchandise ; que les débitants, en ce cas, étaient ses représentants, ses ayants cause, et qu’il était naturel qu’il les autorisât à mettre leur nom à côté d’une marque qu’ils propageaient ;