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un doigt sur la bouche, complotaient des surprises gastronomiques pour leurs jeunes maîtres.

Et, en regardant son George, elle se trouvait serrée au cœur, navrée de son logis humide et de son pain noir.

Tout à coup, le petit s’arrêta, béant de surprise, en tirant Françoise par la manche :

— Oh ! tante…

Il ne trouvait pas d’autre parole, tant il admirait, tant c’était beau !

Collés à la glace d’une vitrine, des polichinelles pendaient, bosse au dos, sarcasme aux lèvres, semblant, avec leurs jambes cagneuses, toujours prêts à entamer quelque gigue anglaise. Des bergeries s’étalaient avec des maisonnettes peinturlurées et un berger niais, une coiffe ronde sur la tête, sa houlette militairement figée au coude. Des moutons, à la laine frisottante, reposaient sur un fond de copeaux verts. À droite, des boîtes s’empilaient, fragilités multicolores, délicatesses roses et bleues, destinées à renfermer des minuties de poupon ou de femmelette. À gauche, des soldats de plomb défilaient, l’allure pesante, le regard mort, tandis qu’au milieu un arbre tournait, chargé de choses étonnantes : chapeaux chinois et grelots dont on devinait les jolis tintins, mignons tambours avec des baguettes qui ne demandaient qu’à tambouriner, boîtes de « construction » renfermant des trésors d’architecture, verroteries que le gaz parsemait d’étincelles. Près de l’arbre, au hasard de la rencontre, d’autres attirances gisaient : il y avait des trompettes coloriées, des pianos minuscules, des poupées revêtues de robes claires, qui regardaient fixement par leurs yeux d’émail, des balles élastiques où s’allongeaient de grotesques paysages de la Suisse, empâtés d’ocre et de vermillon. Mais le chef-d’œuvre, la maîtresse-pièce, c’était l’arbre qui évoluait avec lenteur, majestueux comme un ostensoir, et que les autres jouets avaient l’air de vénérer humblement comme leur soleil.

— Oh ! tante !

Tante continue sa route. Pourquoi s’attarder à des objets qui ne lui appartiendront jamais ? Françoise n’a que le strict nécessaire… à moins que de vendre la bague que lui a donnée le vieux Kobe avant de mourir… Allons il n’est pas question de cela !

Maintenant ils descendent la rue des Éperonniers, étroite et triste, et brusquement ils sont aux Galeries Saint-Hubert.

Des voitures arrivent, mêlant leur roulement aux cris des marchands de journaux. Le Passage s’ouvre, grondant d’une vie continue, lumineux et froid.

George s’est encore arrêté.

Ici, c’est la gourmandise qui triomphe : pains d’épices