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LA TENDRE CAMARADE

neux de trouver une femme qui l’entretiendrait. Il y a un jeune homme pâle et riche qui entre en s’appuyant sur le bras d’une femme non moins pâle, qui a des cheveux courts et porte une badine légère. La femme s’en va parfois en emmenant Lulu, la danseuse de tango, et alors le jeune homme pâle entraîne un petit comédien qui est là de toute éternité et auquel personne n’a jamais vu jouer la comédie.

Il y a des femmes nombreuses et variées. Il y en a une qui est gaie par nature, mais qui devient triste et qui pleure au premier cocktail ; mais il y en a surtout de tristes qui deviennent gaies quand elles ont bu. Le bar est la maison où l’on vient acheter l’oubli crépusculaire, le courage pour dîner avec des gens ennuyeux et pour affronter les choses incertaines et charnelles que la nuit réserve.

Il y a Lucette qui est la plus insignifiante, Totote qui est la plus maquillée, Rosette qui est la plus laide, il y a Jeanne l’avare, Lydie qui va avec tout le monde, Julienne qui est sage, Marcelle qui écoute perpétuellement la toux rauque qui sort de sa poitrine, et Aline qui sent, à travers la fumée des cigarettes et le bruit des conversations, s’élever chaque jour en elle le don cruel de la clairvoyance.