Page:Magre - La Luxure de Grenade, 1926.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
241
LA LUXURE DE GRENADE

sa vie, du bonheur, de l’amour. Ah ! comme elle s’ennuyait ! Sa plus grande espérance était de n’être qu’à un seul homme, celui qu’elle aimait. Puis elle se mettait à rire encore.

— Figure-toi que, lorsque j’ai descendu l’escalier pour venir jusqu’ici, j’ai trouvé dans le patio de la villa les deux eunuques qui me gardent. Je tenais mes babouches à la main, pour ne pas faire de bruit en marchant. J’ai regardé les eunuques qui dormaient, étendus sur leur matelas. J’en avais un à droite et un autre à gauche. Et j’avais tellement envie de raconter à quelqu’un que j’allais te retrouver que j’ai failli les réveiller en leur laissant tomber mes babouches sur le nez.

À cette pensée, elle était secouée de frémissements. Elle inclina son visage sur son épaule. Et pendant qu’elle disait d’autres choses incohérentes, il sentait que le corps qu’il avait contre lui devenait soudain plus pesant, plus langoureux et en même temps plus chaud, plus abandonné. Il tenait dans ses bras une forme humaine dont la volonté était absente et qui lui communiquait avec la proximité de son sang la mystérieuse ardeur dont elle était chargée. Il céda à cette force de rapprochement, à cette loi d’attraction qui appelle à certaines heures un corps vers l’autre et le roule dans le fleuve du plaisir.

La tête de la femme faisait un ovale d’argent parmi les cheveux qui brûlaient. Il la renversa sous lui et tout de suite, quand il sentit ses lèvres prises par ces lèvres tendres et parfumées comme des fruits du printemps, mobiles comme la vie elle-même, chaudes comme sa propre chaleur, il comprit qu’il était lié