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cette Isabelle la Grande, dont le tirage fut arrêté par la guerre en juillet 1914, et qui paraît aujourd’hui.

Tous ces voyages, joints à d’abondantes lectures, échauffaient fortement son imagination, et elle aborda hardiment le roman et même le théâtre, pour donner la vie et le mouvement aux héros de ces périodes historiques dont elle nourrissait chaque jour sa mémoire. C’est ainsi que vit le jour Parysatis, tragique histoire d’une reine de Perse, d’abord sous forme de roman couronné par l’Académie française, traduit en anglais et en allemand (Lemerre, 1890), puis sous forme de drame en trois actes, représente le 17 août 1902 au théâtre des Arènes de Béziers, avec accompagnement de musique de Saint-Saëns. Vinrent ensuite Rose d’Hatra d’après une légende persane, et l’Oracle d’après des récits d’Hérodote (A. Colin, 1893), puis une œuvre tirée de la Légende Dorée et de la vie de sainte Catherine, Frère Pelage (Lemerre, 1894). Les temps modernes eux-mêmes ont fourni le sujet d’un cinquième roman historique, Volontaire (A. Colin, 1892), inspiré par l’héroïsme guerrier d’une jeune fille du Hainaut français en 1792.

Enfin l’un des problèmes moraux les plus émouvants de la société contemporaine est discuté dans un livre de pure imagination, Déchéance (Lemerre, 1897) ; c’est un plaidoyer contre le divorce.

En énumérant tant de travaux, si variés et si complexes, où plus d’un se sentirait submergé, nous n’avons encore donné qu’une idée incomplète de l’activité inlassable de Mme Dieulafoy. On pourrait s’imaginer quelque trépidation, quelque fièvre dans l’organisation d’une vie si remplie, surtout en se souvenant des origines méridionales de notre regrettée amie. Ce serait une complète erreur. Tous ceux qui ont fréquenté l’hôtel de la rue Chardin ont connu les détails d’une existence méthodiquement réglée, où le travail, la promenade, les causeries, les réceptions amicales, occupaient leur place sans empiéter jamais l’un sur l’autre. On trouvait à l’heure convenue une maîtresse de maison toujours affable et prévenante, toujours occupée de ses amis et de leur entourage, toujours prête à rendre service. Elle paraissait si tranquille, si exempte de soucis qu’on eût dit que ses journées entières étaient à la disposition de chacun. Jamais travailleuse aussi acharnée ne semble aussi libre d’affaires. Nous savons que les œuvres de bienfaisance, les comités de charité avaient leur belle part aussi dans cette vie si bien ordonnée. La bonté, au service de beaucoup de science, ce fut la caractéristique de sa généreuse nature.

Privée, à son grand chagrin, de la douceur d’avoir des enfants, Mme Dieulafoy reportait sur ceux de ses amis sa tendresse native. Son salon, fréquenté par beaucoup d’hommes connus, s’ouvrait largement à la jeunesse. C’est avec elle et pour elle que furent organisées les représen-