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raient te servir. Mais tu as encore trop de timidité provinciale en toi pour en être capable.

Tu connaîtras, dans des concerts, des jeunes filles qui sortent du Conservatoire, qui sont à l’Odéon et tu feras même dire des vers par l’une d’elles. Mais ne lui écris pas de lettres d’amour, surtout ne l’aime pas. Tu ne seras jamais qu’un étranger pour cette personne qui, vivant dans la compagnie de héros littéraires nourris d’un idéal sublime, n’a pas gardé pour elle-même la moindre parcelle d’un idéal quelconque.

Elle ne saurait aimer qu’un maître dans son art, un de ces hommes rasés et simples qui ont vingt ans de théâtre derrière eux et assez d’autorité pour les tutoyer, la première fois qu’ils les voient.

Tu auras donc les femmes des cafés, les modèles de tes camarades peintres, peut-être une couturière dont tu feras connaissance au restaurant, les maîtresses de tes amis. Mais les femmes des cafés sont vénales et, quand elles sont désintéressées, toute l’ambition de leur génie consiste à boire une quantité illimitée de boissons américaines jusqu’à une heure très tardive. Les modèles sont mal faits et épris des seuls peintres. Un abîme d’ennui te séparera de la couturière ; les maîtresses de tes amis seront toutes laides.

Résigne-toi donc à vivre sans maîtresse, profitant seulement de l’aventure amenée par le hasard. Regarde