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tainement un oncle très riche auquel il peut écrire, ou bien il ment : il n’a reçu aucune pension et il n’a, par conséquent, aucune peine à ne pas avoir d’argent. Tu serais forcé de porter ta montre au Mont-de-piété et l’on ne peut se passer d’une montre à cause de l’exactitude aux rendez-vous qui est indispensable. De plus tu négligerais de la retirer, et ainsi tu serais volé, n’ayant eu que le quart de sa valeur.

À la dernière extrémité, vends plutôt les livres que tu possèdes. Mais s’ils t’ont été offerts par quelque grand homme désireux de popularité parmi la jeunesse, gratte avec soin et habileté la dédicace.

Au café, ne permets jamais à un plus pauvre que toi de payer les consommations. Mais, si tu peux, laisse ce soin à un plus riche.

Aie toujours sur toi un sou neuf et même fais-le reluire chaque matin avant de sortir. Car avec ce sou neuf que tu tireras tardivement de ta poche, tu peux faire le geste de payer en laissant croire à la présence d’un louis.

Tu n’es pas l’obligé de celui qui t’invite à déjeuner. Le sentiment de sa générosité, le plaisir de ta conversation ont largement dédommagé ton hôte des quelques francs qu’il a dépensés pour toi. Évite le mouvement spontané qui te poussera à louer le choix et l’abondance inusitée des mets. Il te sera ainsi épargné un fin sourire sur le visage de ton interlocuteur.