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compagne par la suite jusqu’à ta porte, raconte des anecdotes pittoresques sur ces vieux murs dont ton imagination te fournira les thèmes variés ; parle des personnages illustres qui les ont habités. Ainsi tu seras aisément comparé à un héros de Balzac et même celui qui a un riche appartement enviera peut-être la fantaisie de ta vie.

Crains cette grosse dame trop aimable et trop familière, cette gérante curieuse et bavarde. Elle te tend chaque soir ta bougie avec quelques paroles de bienveillance. Hâte-toi par un sourire complaisant de flatter la bonne tenue de sa maison, loue son esprit et même sa beauté, si elle y prétend encore.

Car cette grosse dame jouit d’un pouvoir terrible et discrétionnaire. Elle peut te faire crédit des vingt francs que tu lui donnes tous les quinze jours pour la chambre où tu vis ; elle peut au contraire empoisonner ton existence en te les réclamant âprement, elle peut t’obliger à t’enfuir de chez toi, le matin, avant qu’elle ne soit levée, pour ne rentrer que dans la nuit, quand elle dort.

Crains-la aussi parce que sous le prétexte de faire ta chambre, elle compte ton linge, lit tes lettres, connaît ton existence aussi bien que toi.

Et pourtant, souviens-toi aussi que lorsque le grand poète Oscar Wilde mourut dans un misérable hôtel de la rue des Beaux-Arts, un seul homme l’avait