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se releva enfin sur le « numéro » du gorille.

De deux portants se faisant face surgirent deux gentlemen, vêtus avec infiniment de chic du même complet habit, dévoilant l’éblouissant plastron, piqué des scintillements du strass des boutons, du même mac-farlane aux revers de satin, portant le même chapeau « tout-reflets » et jouant avec la même badine désinvolte. Des escarpins vernis au banal camélia des boutonnières, tous les détails avaient été combinés pour rendre les silhouettes identiques et, pour compléter l’illusion, Godolphin et son élève se présentaient, avançant du même pas et saluant du même geste.

Stupéfait, le public hésita un court instant, ses regards allant de l’un à l’autre des deux « sosies » sans pouvoir distinguer le singe de l’homme.

Et il fallut que tous deux s’arrêtassent, simultanément et côte à côte, devant la rampe le chapeau à la main, pour que les faces différentes fussent enfin identifiées.

Enthousiasmés, les spectateurs constatèrent alors que le gorille avait l’air infiniment plus « distingué » que son montreur, incontestablement, il était plus à l’aise dans son habit et ses saluts surpassaient, en élégance et naturel, ceux de Godolphin, légèrement empruntés.

Puis, après quelques mots prétentieux du saltimbanque, petit discours appris par cœur et destiné à présenter la merveille aux spectateurs, le gorille commença la première partie de ses exercices.

Il but et mangea, fuma, fit semblant de lire un journal, toutes choses que l’assistance avait l’habitude de faire, ou voir faire quotidiennement autour d’elle, mais qu’elle acclama avec des cris déchirants parce que ces banalités s’accomplissaient sur une scène de music-hall et que, de la part du gorille, elles étaient des tours de force.