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même, vous ne pensez pas qu’on, va vous laisser balader dans la rue ?

Le visage de Violette redevint inquiet.

— Libre, c’est bientôt dit, continua le bateleur, mais il y a les « flics ». Ils ne goberont pas la chose aussi facilement que Godolphin, et, avec eux, c’est le bloc.

Frappés par cette argumentation, Violette et le gorille se regardèrent.

— Je n’y avais pas songé, dit la jeune fille.

— On ne songe pas à tout, gouailla le saltimbanque, triomphant. Voyez-vous, la rue aux singes, c’est pas encore dans les mœurs. On les juge trop jeunes pour leur accorder le permis de conduire.

Violette se souvint des conseils de Fringue. Lui aussi avait prévu cette objection ; il avait parlé d’une sorte de tuteur, d’un répondant qui faciliterait les évolutions du gorille et lui éviterait le contact des indiscrets.

Godolphin n’était point indiqué pour ce rôle officieux. En lui assurant des honoraires appréciables, n’accepterait-il pas de demeurer, en cette qualité, auprès de l’homme-singe ?

Le marché fut vite conclu. Sitôt que la jeune fille eut formulé sa proposition et fixé le chiffre de la rémunération qu’elle offrait, le saltimbanque accepta avec un enthousiasme non dissimulé.

— Ça va, fit-il. Je procure une « pelure » à milord et je le trimbale où ça lui chante. Avec moi, on passe partout, ni vu, ni connu.

— Je pars, dit Violette, tranquillisée. Mère pourrait s’inquiéter si je demeurais davantage. Et il ne faut pas qu’on se doute. J’ai gardé votre secret, Roland. Il restera tel tant que vous ne pourrez pas expliquer votre aventure. Ce sera bientôt, j’espère.

Mélancolique, le gorille hocha la tête et répéta :

— Adieu. Violette !


XIV

L’Atroce Mystification


Trois heures après le départ de Violette, une voilure fermée s’arrêtait devant l’institut