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LE TRÉSOR DE M. TOUPIE


À LA SORTIE DU LYCÉE…

«
Eh ! Charles… Charles Lefrançois ! hé ! arrête-toi donc… j’ai une nouvelle sensationnelle à t’annoncer… Hé là !… vous autres, prenez-le par la manche… Que diable ! mon vieux, es-tu donc si pressé ce matin ?

— Il pleut… j’ai les pieds trempés…. Tu me diras ce soir ta nouvelle sensationnelle, » répondit une voix qui sortait, à moitié étouffée, d’un capuchon.

On pouvait entendre cette conversation sous le porche du lycée de Versailles qui venait d’être ouvert au signal donné par le tambour, à onze heures et demie précises, pour la sortie des élèves.

Ce samedi de mai, une pluie torrentielle tombait depuis le matin sur la tranquille et majestueuse ville du grand roi.

Les interlocuteur étaient deux jeunes garçons dont il nous est impossible pour l’instant de décrire la physionomie, car leurs capuchons descendaient jusqu’au-dessous de leurs yeux. Mais en regardant leurs chaussures et leurs pantalons, un observateur attentif pouvait juger de leur caractère.

L’un des deux, dont la taille était un peu plus élevée que celle de son camarade et qui répondait au nom de Charles Lefrançois, avait de fortes chaussures jaunes, bien lacées, qui, malgré la pluie et la boue, n’offraient pas trop mauvais aspect. Des bas de laine chinée montaient haut sur ses jambes. Il marchait droit et fermement.

Quant à son camarade, celui dont la voix retentissait malgré la pluie et le vent, quels souliers crottés ! quelles chaussettes en tire-bouchon ! quels bas de pantalons lamentablement mouillés ! Et sa « serviette » de lycéen ! Rejetée d’un bras à l’autre, tantôt sous la pèlerine, tantôt dehors, elle ruisselait d’eau. Et voilà qu’au moment où son propriétaire voulut saisir le bras de Charles, d’un mouvement brusque, il l’envoya au milieu de la chaussée, au grand amusement des camarades.

« Arthur ! cria l’un, ton cahier de notes qui s’envole.

— Regarde, les crayons roulent dans le ruisseau.

— Attention, tes cartes de géographie vont faire le tour du monde ! »

Et tous les quolibets les plus malins, les plus moqueurs tombèrent sur la tête d’Arthur, qui, penché sur le pavé, s’efforçait de rassembler ses livres et ses cahiers. Il n’avait pas du tout l’air consterné et il riait de bon cœur.

Quand enfin le malheur fut réparé, Charles prit le pas à côté d’Arthur.

« Allons ! dis-moi maintenant ta nouvelle sensationnelle.

— C’est heureux que tu veuilles bien m’écouter ! Voilà… »

Arthur fouilla dans une de ses poches, puis dans une autre.

« Bon, où ai-je mis ce journal ? Dans ma poche de pantalon… non… l’autre… non… dans ma veste… Oh ! là là… L’aurais-je laissé dans mon pupitre, au lycée ? Non… Oh ! suis-je étourdi ! Je l’ai mis sur ma tête, sous ma casquette… comme ça j’étais sûr de ne pas le perdre. »

Et sans se presser, Arthur posa sa « serviette » sur une borne, défit son capuchon, enleva sa casquette et prit un journal plié en quatre. Il le tendit à son camarade, tandis qu’il mettait en ordre ses vêtements et sa coiffure.

« Lis ce numéro du Coq gaulois ! »

Arthur avait la physionomie la plus drôlement comique. Ses cheveux noirs bouclaient sur sa tête, ses yeux noirs riaient constamment et sa bouche ne pouvait rester un instant sans changer d’expression. Le bouton du col de