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UNE RENCONTRE

lait tout, sans réussir à les soulever.

« Si vous permettez, mademoiselle, dit Arthur, je m’y connais, car moi, j’ai une maman qui ne peut supporter l’auto et s’enveloppe de cette façon. »

On s’écarta et Arthur, d’une main très douce, défit rapidement les nœuds, débarrassa Mlle Marlvin de ce qui pouvait la gêner et lui enleva ses lunettes ; pendant ce temps, Charles avait couru à quelques pas, jusqu’à une mince cascade qui coulait du rocher ; il remplit d’eau un verre qu’il tendit à Mlle Marlvin.

Elle reprenait connaissance et son premier appel fut pour Colette. Sur le visage de celle-ci coulaient de grosses larmes : elle avait cru vraiment que son institutrice n’allait pas revenir à la vie.

Mais dès qu’elle fut rassurée, sa nature reprit le dessus, et sa figure eut de nouveau une expression volontaire.

« Qu’allons-nous faire maintenant ? Impossible d’avancer avec l’auto !

— Ah ! plus d’auto ! plus d’auto ! soupira Mlle Marlvin.

— Pardon ! excuse, messieurs, dames, interrompit le chauffeur de l’autre automobile, je pourrais vous aider… mais j’ai des clients qui m’attendent à Argelès, je ne peux pas les faire attendre, surtout que c’est des bons clients…

— Mais, s’écria Paul, vous pouvez nous envoyer une voiture d’Argelès ?

— Si j’en trouve une, pour sûr… mais payez-moi d’abord.

— Ah ! oui, dit Paul sérieusement, vous nous avez remorqué pendant cinq cents mètres… alors…

— J’ai ma corde cassée… mon essence… ma…

— Bon ! Eh bien ?

— Eh bien ! cinquante francs pour la corde, cinquante francs pour ma peine…

— Et le pourboire ? demanda ironiquement Paul.

— Dame ! ce que vous voudrez.

— Eh bien ! rien du tout, dit Paul ; voilà cinquante francs pour la corde, cinquante francs pour l’essence et rien comme pourboire… »

Le chauffeur esquissa un mouvement d’étonnement, mais, avant qu’il eût prononcé un mot, Paul ajouta :

« Faites-moi le plaisir de filer, ou vous aurez affaire à moi. »

Le chauffeur ne se le fit pas dire deux fois : il sauta sur sa machine et partit à fond de train.

« En voilà un qui sait gagner son argent à l’occasion !… Mais ce n’est pas tout ça… occupons-nous de notre affaire. D’abord, merci, messieurs… Je me présente : M. Paul Dambert, d’Arles…

— Je suis Charles Lefrançois.

— Et moi, Arthur Treillard….

— Nous voyageons pour notre plaisir, interrompit Charles qui craignit qu’Arthur ne révélât encore le but de leur voyage.

— Moi aussi, avec Mlle Marlvin et ma sœur Colette.

— Quel nom ravissant ! se dit Arthur en lui-même.

— Mais le plaisir pour l’instant n’est pas grand, Car Mlle Marlvin n’est pas en état d’atteindre Saint-Savin à pied.

— En tirant l’auto, ajouta Colette, en riant.

— En effet, répondit Charles. Alors voici ce que je vous propose : mon camarade et moi, nous allons aller jusqu’à Saint-Savin où nous trouverons un véhicule quelconque, automobile, charrette, calèche…

— Pousse-pousse ou palanquin ! dit Colette,

— Parfaitement, mademoiselle… et nous vous l’enverrons.

— Oui, seulement, reprit Paul, j’aurais bien voulu que l’un de vous restât pour m’aider à réparer l’auto, si cela est possible. J’ai une roue de rechange, et…

— Eh bien ! s’écria Arthur, je pars seul. Charles vous aidera.

— Moi, dit Colette, je vais aller à Saint-Savin avec M. Arthur… Si vous le voulez bien, ajouta-t-elle en se tournant vers Arthur. Je prendrai la bicyclette de M. Charles, je sais très bien monter.

— Non ! Non ! s’écria Mlle Marlvin, pas seule sur ces routes, dans ces montagnes !… Ça, Colette, je vous le défends.

— Mais je vais avec M. Arthur.

— Non, restez avec moi, Colette.

— Mademoiselle, intervint Paul, laissez donc aller Colette, elle va nous embarrasser ici.

— Ayez confiance en mon ami Arthur, dit Charles, qui aimait mieux que son camarade ne se rendit pas tout seul à Saint-Savin, vous pouvez lui laisser accompagner votre sœur. »