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CONCURRENTS OU MYSTIFICATEURS

mauvaise humeur se dissipa en entendant cette réflexion du Breton.

« Eh ! parce que… Bah ! c’est pas des choses à dire à c’te heure… Il est minuit… entendez-vous ?

— Oui. »

L’horloge de la cathédrale de Dol sonnait lorsque la voiture pénétra dans la Grande-Rue. La lune, à ce moment-là, se dégagea des nuages qui la cachaient. Et toute la vieille ville, avec ses vénérables et pittoresques maisons, apparut empreinte d’une beauté saisissante. Charles était muet devant ce spectacle.

Mais il s’agissait de rassurer le cocher.

« Tranquillisez-vous… Je ne sais pas à qui j’ai eu affaire… Ils nous ont trompés et ils ont emporté ma lampe électrique… ce qui n’est pas la coutume des revenants. »

Lorsque l’hôtelier entendit les roues de sa voiture résonner sur les pavés, il se précipita à la porte, suivi d’Arthur.

Charles mit pied à terre en s’écriant :

« Partis ! envolés ! disparus ! »

Et, en quelques mots, il raconta à l’hôtelier et à Arthur stupéfaits qu’il n’avait trouvé personne sur la route.

« Eh bien, savez-vous ? dit l’hôtelier après quelques instants de silence, c’est un concurrent qui a voulu vous dépister et qui veut visiter le pays avant vous.

— Ils n’ont pourtant pas imaginé cet accident ! » riposta Charles.

Puis, il fit la réflexion qu’en son absence Arthur avait été bien bavard avec le patron de l’hôtel et que celui-ci connaissait le but de leur voyage.

Mais il ne communiqua pas sa remarque à son ami ce soir-là. Ils se couchèrent, l’un et l’autre à bout de forces…

Le soleil était déjà haut à l’horizon lorsque Charles ouvrit les yeux. Il se dressa sur son lit, regarda Arthur qui était profondément endormi, se frotta les yeux et réfléchit un instant. Il lui fallut quelques minutes pour rassembler ses idées.

Quelle aventure que celle de la nuit ! Charles, tout en s’habillant, méditait sur les événements de la veille.

« Que signifie tout cela ? Qui est ce Procope ?… Sans compter que je n’avance pas dans mes recherches pour le concours, et que je me lève tard. Perte de temps… bavardages… Arthur a parlé… Il va raconter notre histoire à tout le monde… En réalité, je ne sais pas suivre mon plan. »

En cet instant, Arthur recevant le soleil en pleine figure, se réveilla. Il paraissait de fort bonne humeur et il était loin de se faire des reproches comme son ami.

« Quel beau temps ! s’écria-t-il. Dis donc… il est tard. Nous allons nous remuer un peu, n’est-ce pas ? D’abord, déjeunons ; après, courons au Mont Dol… Ensuite…

— Oui, mais, il faut que j’aille aux renseignements. Pendant que tu t’habilles, je descends… Je vais voir si l’on a des nouvelles de nos mystificateurs. Dépêche-toi et viens vite me rejoindre.

— Oui, mon vieux… je te suis. dans trois minutes. »

Charles descendit. Il trouva l’hôtelier au bas de l’escalier, tenant un journal à la main, l’air très préoccupé.

« Monsieur, voulez-vous venir me parler, dans mon bureau ?… »

Et comme Charles entrait dans une petite pièce communiquant avec la salle à manger, il lui tendit un journal de la localité, en lui indiquant du doigt un écho qu’il avait entouré d’un trait de crayon bleu.

Charles le lut immédiatement :

« UN MYSTÈRE. »

« Saint-Malo est victime actuellement d’une bande de mystificateurs. Seraient-ce des voleurs ? C’est ce que les habitants de la ville et des environs voudraient savoir. La police va-t-elle un peu s’émouvoir ? Hier, cette bande audacieuse a dévalisé un paisible promeneur sur les remparts, et pendant la nuit, M. L…, loueur de voitures, a vu un de ses chevaux revenir vers minuit, sans la voiture louée, un brancard encore attaché à ses flancs. Plus de voiture, plus de voyageurs. Dans un sac, laissé chez M. L… on a trouvé le portefeuille et le porte-monnaie intacts du promeneur de la jetée ! Si ce sont des farceurs, nous leur dirons nettement que la plaisanterie n’est pas de notre goût. »

« Eh bien ! s’écria Charles lorsqu’il eut terminé sa lecture, je pense que ce