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LE TRÉSOR DE M. TOUPIE

beaucoup de cet incident ; tandis que son frère tirait son portefeuille, elle caressa le chien du garde ; il avait un poil dur, des yeux d’or et, chose singulière, une jambe de bois. Lorsque le garde, d’un air rogue, eut examiné les papiers de Paul, il porta la main à son képi et allait s’éloigner. Mais Colette l’arrêta en lui disant :

« Comment se nomme votre chien ?

— Penmarch.

— Où a-t-il perdu sa patte ?

— Sur l’Yser ; il faisait campagne avec moi. »

Un sifflement, et le garde champêtre partit, non sans avoir jeté un regard soupçonneux sur ces deux voyageurs qui se promenaient dans la campagne malgré la pluie.

« Ils sont un peu bourrus, les Bretons, ne trouves-tu pas, Paul ?

— Oui, bourrus, entêtés, et braves.

— Ils se sont bien battus pendant la guerre.

— Tous des héros ! »

Colette resta silencieuse. Elle se souvenait que son père lui avait raconté plusieurs belles actions de soldats ou de fusiliers-marins natifs de Bretagne.

Le lendemain matin, temps radieux. Paul déclara à sa sœur qu’ils feraient en automobile le jour même une très longue course. On visiterait Auray, Carnac, Locmariaquer, etc.

« Dans chacun de ces endroits tu verras des merveilles.

— Mais des statues de la Vierge, y en a-t-il ?

— S’il y en a, nous les découvrirons… C’est pour ça que nous visiterons ces lieux célèbres. »

Sur les instances de Paul, qui pensait vraiment qu’elle avait besoin de repos, Mlle Marlvin consentit à ce que Colette et Paul fissent sans elle cette excursion, mais elle leur recommanda de ne pas aller à une vitesse exagérée et de revenir pour le dîner.

Auray leur apparut comme une antique petite ville bretonne qui semblait ne pas avoir changé depuis des siècles. Des petits garçons coiffés de grands chapeaux de paille à larges rubans de velours noir, pendant par derrière, vêtus de courtes vestes et de pantalons descendant jusque sur leurs souliers, des petites filles en longues robes avec des tabliers à poches, une bavette sur la poitrine, entouraient l’automobile en regardant Colette avec curiosité. Quelques gamins mettaient leurs doigts dans leur nez, d’autres se redressaient comme de petits hommes, poussant leurs plus jeunes frères devant eux.

Colette n’était pas endurante : cette curiosité l’impatienta ; alors, sautant hors de l’automobile et saisissant le bras d’un garçon d’une dizaine d’années, elle lui demanda :

« Au lieu de nous regarder comme des bêtes curieuses, petit nigaud, pourrais-tu nous dire où se trouve la statue de Notre-Dame d’Auray ? »

Le gamin la regarda et ne répondit rien. Colette lui secoua le bras.

« Réponds, es-tu muet ? »

D’un brusque mouvement, le garçon essaya de se dégager, mais Colette avait la main ferme.

« Parle : où est la Sainte Vierge d’Auray ? »


un petit breton regardait colette.

Un large sourire, qui lui fendit la bouche jusqu’aux oreilles, parut sur la figure du petit Breton.

« Y a pas de Sainte Vierge !

— Il n’y a pas de Sainte Vierge ici ? s’écria Colette stupéfaite. Il n’y a pas de Sainte Vierge ?…

— Non, » répéta le garçon ; puis après quelques instants de silence pendant lesquels il parut s’amuser immensément de la figure déconfite de l’élégante voyageuse, il ajouta :