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COLETTE DÈVORE LES KILOMÈTRES

Mlle Marlvin luttait contre la légèreté de Colette, mais si un jour elle essayait d’exiger quelque régularité dans les heures de travail de son élève, justement, ce jour-là, Colette apprenait que son frère, dans l’après-midi, montait un nouveau cheval.

Alors, adieu les études ! Elles étaient remises au lendemain.

Mme Dambert grondait bien sa fille après ces équipées, et Mlle Marlvin la punissait ; mais le grand frère intervenait en se déclarant coupable d’avoir entraîné sa sœur, ou bien son père, qui craignait pour sa santé, réclamait de l’indulgence.

Le concours de M. Toupie n’intéressait guère Mlle Marlvin. Il faut être jeune pour s’enthousiasmer dans un cas semblable.

D’ailleurs, à quoi bon chercher un trésor dont on ne profiterait même pas, si on le découvrait ? Pour elle, l’idée était absurde.

Paul, lui, ne voyait pas autre chose qu’une merveilleuse randonnée à travers la France. Les nuages de poussière, les pneus crevés, les poules écrasées et les repas souvent détestables, seraient compensés par le plaisir de visiter des villes intéressantes et d’admirer des paysages qui le changeraient pendant quelque temps de sa chère Camargue.

Si Charles, Arthur, et sans doute d’autres concurrents, suivaient un plan pour trouver le trésor de M. Toupie, Colette et son frère, semblables à des oiseaux, se laissaient aller au gré de leurs caprices et de leur fantaisie.

Arles est à deux cent cinquante kilomètres de Lyon.

Les voyageurs étaient partis de très bonne heure et l’automobile jaune filait avec une dangereuse vitesse ; cette distance fut franchie avant le déjeuner.

La voiture, blanche de poussière, s’arrêta entre midi et demi et une heure, devant l’hôtel Impérial, où Paul savait que la cuisine était renommée.

Dès que les voyageurs furent installés pour déjeuner, Colette déclara qu’on repartirait aussitôt après le repas. Mlle Marlvin poussa un cri de désespoir.

« Mais, mon enfant, dit Mlle Marlvin, du train dont nous allons, nous serons morts avant d’arriver en Bretagne.

— Excellents, ces œufs en gelée ! interrompit Paul dont l’appétit était aiguisé. J’en prends encore.

— Mademoiselle, vous avez une mine admirable, s’écria Colette. Ce voyage sera excellent pour votre santé.

— Mon enfant, je n’en suis pas sûre… Mais laissez-moi vous dire qu’ici même, à Fourvière, il y a une célèbre statue de la Vierge et qu’avant d’aller plus loin, il serait bon de s’assurer que le trésor de M. Toupie n’est pas ici tout simplement.

— Ah ! s’écria Colette saisie, je croyais qu’il était en Bretagne !

— J’ai dit, répondit nettement Mlle Marlvin, qu’il se pourrait qu’il y fût, mais…

— Alors, s’il était ici, on n’irait pas en Bretagne ? dit Colette consternée.

— Mais si, mais si, gentille petite sœur… »

Paul commençait à prendre goût au voyage.

« Après le déjeuner, continua-t-il, nous irons à Fourvière, tandis que Mlle Marlvin se reposera…

— Puis, nous repartirons, s’écria Colette.

— Non, nous coucherons à Lyon… mais je te mènerai ce soir dans un cinéma, » ajouta Paul, en voyant la figure de sa sœur qui se rembrunissait…

Mlle Marlvin parut enchantée de la proposition de Paul, auquel elle sut un gré infini de lui procurer quelques heures de repos.

Aussi se hâta-t-elle de se retirer dans sa chambre lorsque, le déjeuner fini, Paul et sa sœur prirent le chemin de Fourvière.

Naturellement, ils constatèrent que le lieu ne pouvait pas du tout abriter le trésor.

« Alors, demanda Colette, nous allons en Bretagne ?

— Oui. Nous partirons demain matin. Mais entrons dans la vieille église car elle est très curieuse. »

Donnant la main à son frère, Colette pénétra dans l’antique sanctuaire.

Une odeur d’encens et de cierges remplissait l’air et une sorte de nuage enveloppait les ex-voto qui couvraient les murailles.

Colette chuchota tout bas à l’oreille