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drecht (Hollande), engloutit plus de cent mille personnes.

17 Avril 1790. — Mort de Benjamin Franklin. L’Assemblée nationale prend le deuil.




18 Avril 1506. — Le pape Jules II pose la première pierre de l’église de Saint-Pierre de Rome. Cette église a d’abord été commencée sur les dessins de Bramante, qui furent modifiés par plusieurs architectes. Michel-Ange a donné le plan qui a été définitivement suivi. Le Bernin a ajouté le péristyle, et Vignole les petits dômes d’accompagnement.




18 Avril 1560. — Mort de Mélanchton, disciple de Luther. Sa grande douceur et son onction rendent son nom sacré pour tous ceux qui songent combien il est rare et difficile qu’au milieu des grandes révolutions religieuses ou politiques les hommes les plus vertueux conservent leur caractère pur de l’influence passionnée des évènemens.

19 Avril 1810. — Les provinces de Caracas, Cumana, Barinas, Margarita, Barcelonne, Merida et Truxillo, dans l’Amérique espagnole du Sud, forment un gouvernement fédératif, désigné sous le nom de Confédération américaine de Venezuela.




Singulières antipathies. — Henri III ne pouvait demeurer seul dans une chambre où il y avait un chat. Le duc d’Epernon s’évanouissait à la vue d’un levraut. Le maréchal d’Albret se trouvait mal dans un repas où l’on servait un marcassin ou un cochon de lait. Vladislas, roi de Pologne, se troublait et prenait la fuite quand il voyait des pommes. Erasme ne pouvait sentir le poisson sans en avoir la fièvre. Scaliger frémissait de tout son corps en voyant du cresson. Ticho-Brahé sentait ses jambes défaillir à la rencontre d’un lièvre ou d’un renard. Le chancelier Bacon tombait en défaillance lorsqu’il y avait éclipse de lune. Bayle avait des convulsions lorsqu’il entendait le bruit que fait l’eau en sortant d’un robinet. Lamothe le Vayer ne pouvait souffrir le son d’aucun instrument, etc., etc.

Tous ces exemples semblent prouver que, de même qu’il est des entraînemens involontaires vers certaines choses, il est aussi des répugnances qui paraissent le résultat de l’organisation, et peuvent passer pour invincibles. Rien c’est plus commun que de voir des personnes d’un caractère assez ferme d’ailleurs, s’effrayer ou souffrir en voyant certains insectes, ou en entendant certains sons, tels que le gémissement du liége que l’on coupe, du verre sur lequel on fait glisser le doigt. Il faut toutefois distinguer parmi ces impressions celles qu’on peut vaincre avec une forte volonté, et en les bravant à dessein pendant quelque temps.




DE LA CONSOMMATION DU SUCRE EN FRANCE.


Le sucre, que les peuples de l’antiquité employaient comme médicament, selon Dioscoride et Pline l’Ancien, s’appelait chez les Grecs sel indien ou saccaron, d’où les Latins firent saccarum. Ces nations le tiraient de l’Orient.

La plante qui le produit, et que nous nommons aujourd’hui canne à sucre, est originaire de l’Inde au-delà du Gange, d’où elle passa en Arabie, puis en Afrique, où sa culture ne prit jamais un grand développement. Vers le milieu du XIIe siècle, ayant été introduite en Sicile et en Provence, dont le climat ne lui convenait pas, elle fut bientôt après transportée dans les provinces méridionales de l’Espagne, et chez les Portugais, qui l’introduisirent à Madère et aux Canaries. Ce fut dans ces dernières îles que Pierre d’Esiença prit les plants qu’il porta, en 1506, à Hispaniola, actuellement Haïti ou Saint-Domingue. Michel Ballestro tira du suc de cette plante, et Gonzalès de Velosa ayant fait venir des ouvriers de l’une des îles Canaries, eut le premier la gloire de produire du sucre dans le Nouveau-Monde. La canne à sucre étant inconnue en Amérique avant cette époque, c’est à ces trois hommes que ce continent doit l’une de ses plus précieuses industries, et une richesse de plusieurs milliards, qui vaut mieux que celle de ses mines d’or et d’argent.

Sous le règne de Henri IV, il y a deux cent trente ans, le sucre était si rare en France, qu’il se vendait à l’once chez les apothicaires, à peu près comme aujourd’hui nous achetons le quinquina. En 1700 la consommation totale de la France ne dépassait pas un million de kilogrammes, ce qui donnait %[illisible] de kilogramme par tête.

La population était alors de 16 000 000 d’âmes. Le goût de cette denrée s’accrut tellement pendant le XVIIIe siècle, qu’en 1789 on en consomma 25 millions de kilogrammes. Les guerres de la révolution, le système continental, et les droits exorbitans dont Napoléon frappa les sucres exotiques, réduisirent la consommation, en 1812, pour tout l’empire français, qui comptait 44 millions d’habitans, à 7 millions de kilogrammes. C’était moins de 2/10 de kilogramme (ou trois onces) par individu. Lorsque la paix eut rendu une grande activité au commerce des colonies, il y eut, par suite de la réduction des droits et de l’aisance devenue un peu plus générale, un grand accroissement dans la demande du sucre ; en voici la progression :

Années. Consommation. Prix du kilogramme.
1815 16 000 000 kil. 5 fr. 60 cent.
1816 24 000 000 5 » 60 »
1818 56 000 000 5 » 20 »
1820 48 000 000 2 » 80 »
1822 55 000 000 2 » 80 »

En 1825, la guerre d’Espagne ayant fait augmenter les prix, la consommation ne fut que de 40 millions de kilog. ; mais les craintes du commerce ayant promptement cessé, la progression continua :

1826 61 000 000 kil. 2 fr. 40 cent.
1827 62 000 000 2 » 40 »
1829 62 000 000 2 » 40 »
1831 80 000 000 2 » 10 »

La France ayant alors 32 500 000 habitans, c’était deux kilog. et demi ou 5 livres par personne. Il est mutile de faire remarquer combien la diminution du prix a influé sur la consommation qu’elle a puissamment contribué à augmenter. Malgré cette progression rapide, nous sommes loin encore des États-Unis qui consomment cinq kilog. de sucre par tête, de l’Angleterre à qui il en faut sept, et surtout de l’île de Cuba où la moyenne s’élève à quinze ou trente livres. « Ceux qui n’ont pas vu de leurs yeux, dit M. de Humboldt, quelle énorme quantité de sucre on consomme dans l’Amérique espagnole, même dans les familles les moins aisées, doivent être étonnés que la France entière n’exige, pour ses propres besoins, que trois ou quatre fois autant de sucre que l’île de Cuba, dont la population libre n’excède pas 840 000 habitans.. » Qu’on juge par ce qui se passe dans ce pays, où la civilisation est loin d’être, avancée, de ce que pourrait devenir la consommation de la France si le monopole exercé au profit de nos colonies ne mettait pas le prix de ce produit au-dessus des moyens de plusieurs millions de Français.

Il serait à souhaiter que chez nous, comme à Cuba, le sucre entrât au nombre des denrées d’un usage général, car il diminuerait de beaucoup la consommation du pain