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se la procurer aux dépens des négocians dont les produits sont soumis à son contrôle.

On vient de voir quels sont les principaux fonctionnaires de l’ordre civil (si tant est que ces derniers mots puissent recevoir application en Barbarie) ; quant aux membres de l’ordre religieux, tels que les ulémas, imans, marabouts, etc., etc., les nombreux voyageurs en Tunisie les ont tellement fait connaître, qu’il deviendrait inutile d’en retracer ici les fonctions. On se bornera à rappeler que les imans ont, en général, le soin et l’intendance des mosquées. Ils s’y trouvent toujours les premiers, font la prière au peuple, qui la répète après eux. Les prêtres marabouts jouissent des plus grands priviléges parmi les Arabes, qui leur portent un respect profond. Leur habillement diffère peu de celui des autres musulmans, dont il ne se distingue que par un air de gravité et de réserve affectée. Lorsqu’un marabout passe, le peuple se met à genoux pour recevoir sa bénédiction.




Les rivières sont des chemins qui marchent, et qui portent où l’on veut aller.

Pascal, Pensées




Supplice de Torregiano, sculpteur. — Pierre Torregiano, célèbre sculpteur florentin, auteur du beau monument de Henri VII à l’abbaye de Westminster, travaillait pour un grand d’Espagne à une statue de l’enfant Jésus. Le prix n’en était point fixé, mais l’acheteur, fort riche, avait promis de payer l’ouvrage suivant son mérite. Torregiano fit un chef-d’œuvre ; le seigneur lui-même l’admira avec enthousiasme ; il ne pouvait trouver d’expression pour le louer, et envoya le lendemain ses domestiques avec d’énormes sacs d’argent.

À cette vue l’artiste se crut dignement récompensé ; mais en ouvrant les sacs, il trouva… 50 ducats en monnaie de cuivre.

Torregiano, justement indigné, saisit son marteau, brise la statue, et chasse les domestiques avec leurs sacs, en leur ordonnant de raconter à leur maître ce qu’ils venaient de voir.

Le grand seigneur eut honte de son procédé ; mais faire rougir les grands, c’est animer contre soi leur vengeance. Il se rendit aussitôt chez l’inquisiteur, accusa l’artiste d’avoir porté la main sur l’Enfant Jésus, et feignit de frémir d’un attentat aussi affreux.

En vain Torregiano soutint qu’un créateur a droit de détruire son ouvrage ; la justice parlait en vain pour lui, le fanatisme était son juge. L’infortuné, mis à la torture, expira dans les plus horribles supplices.




On a calculé, qu’à lire quatorze heures par jour, il faudrait huit cents ans pour épuiser ce que la bibliothèque royale contient, sur l’histoire seulement ; cette disproportion désespérante de la durée de la vie avec la quantité de livres dont chacun peut avoir quelque chose d’intéressant, prouve la nécessité des extraits. Ce travail, bien dirigé, serait un moyen d’occuper utilement une multitude de plumes que l’oisiveté rend nuisibles ; et bien des gens, qui n’ont pas le talent de produire avec l’intelligence que la nature donne et le goût qui peut s’acquérir, réussiraient à faire des extraits précieux.

Marmontel.




LE ROSSIGNOL.

Il serait superflu de décrire cet illustre petit habitant des bosquets, qu’il anime par ses chants, le jour et la nuit, quand le printemps nous a rendu les fleurs et la verdure. Qui pourrait se contenter de l’écouter, et ne pas chercher à le voir, même en interrompant pour quelque momens ses roulades si brillantes ? Le rossignol est connu même du Parisien dont les excursions hors de la capitale se sont bornées à des promenades au bois de Boulogne, à Vincennes, à Romainville. Le peu d’éclat du plumage du musicien, et, en quelque sorte, la simplicité de sa parure, font admirer de plus en plus la force, l’étendue et la flexibilité de sa voix, dont les accens, tantôt plaintifs, et tantôt d’une bizarre gaieté, se succèdent d’une manière toujours imprévue.

Qu’expriment ces discours prolongés, ces causeries que la nuit ne fait pas cesser ? Le rossignol chante même en cage, où d’impitoyables amateurs renferment quelquefois, et poussent la cruauté jusqu’à priver le petit chantre de la vue, afin qu’aucun objet n’interrompe ses chants en lui causant quelques distractions. Dans l’état naturel, on ne peut douter que les discours continuels du mâle ne soient adressés à sa compagne blottie dans le buisson touffu qui recèle le nid caché sous des herbes sèches, sous de la mousse, ou même sous une motte de terre.

Quelques interprètes du langage des animaux ont appliqué leurs recherches à celui du rossignol ; mais jusqu’à présent leurs efforts n’ont rien obtenu dont ils pussent être satisfaits. Ils auraient probablement mieux réussi en exerçant leur sagacité sur les phrases courtes débitées par la fauvette avec une déclamation si expressive.

On a dit que le rossignol cherche la solitude, et cette opinion a même en sa faveur quelques beaux vers de La Fontaine (Fable de Philomèle et Progné). Cependant on ne trouve point cet oiseau dans l’intérieur des grandes forêts, ni surtout dans les montagnes couvertes de sapins ; il se tient dans te bosquets, sur les lisières des bois, et ne s’en éloigne point. C’est un oiseau sédentaire, et qui n’imite point d’autres espèces analogues, de même taille, et qui se nourrissent des mêmes alimens, telles que les rouges-gorges dont les migrations sont quelquefois très lointaines. En France, il y a des cantons d’une assez grande étendue où les rossignols ne sont connus que par leur renommée.

Un observateur s’est assuré que la sphère remplie par la voix du rossignol n’avait pas moins d’un tiers de lieue de diamètre, lorsque l’air était calme ; on s’est amusé à compter les reprises de son ramage, et l’Allemand Bechstein est parvenu à rendre assez exactement par les combinaisons de nos lettres l’effet produit par la voix de l’oiseau. Nous les donnons ici : il faut les siffler et essayer de prononcer dans le sifflet les sons indiqués par les lettres.

Tiouou, tiouou, tiouou, tiouou,
        Stipe tiou tokoua,
        Tio, tio, tio, tio,
    Kououtio, kououtiou, kououtiou, kououtiou,
      Tskouo, tskouo, tskouo, tskouo,
    Tsii, tsii, tsii, tsii, tsii, tsii, tsii, tsii, tsii, tsii,
      Kouoror tiou. Tskoua pipitskouisi
Tso, tso, tso, tso, tso, tso, tso, tso, tso, tso, tso, tso, tsirrhading.
        Tsisi si tosi si si si si si si si
      Tsorre tsorre tsorre tsorrehi ;
  Tsatn, tsatn, tsatn, tsatn, tsatn, tsatn, tsatn, ts
    Dlo dlo dlo dla dlo dlo dlo dlo dlo
        Kouioo trrrrrrrrtzt
      Lu lu lu ly ly ly li li li li
        Kouiou didl li loulyli
    Ha guour guour, koui kouio !
  Kouio, kouoni kououi kououi koui koui koui koui
        Ghi, ghi, ghi.
    Gholl gholl gholl goll ghia hudndoi.
    Koui koui horr ha dia dia dillbi !
Hets, hets, hets, hets, hets, hets, hets, hets, hets, hets,
    Hets, hets, hets, hets, hets,
      Touarrho hostehoi
  Kouia kouia kouia kouia kouia kouia kouia kouiati.